Initialement publie sur le site de l'Association Francaise Transhumaniste - Technoprog
PREMIÈRE PARTIE, LES 5 PREMIERS POINTS
1 Vouloir combattre la mort, c’est souhaiter l’immortalité
Quand on parle de longévitisme, longévité radicale, on pense souvent que la finalité est l’immortalité. Or, ne serait-ce que d’un point de vue biologique, celle-ci n’est pas envisageable avant longtemps encore. D’ailleurs, le premier objectif du longévitisme est plus modestement l’allongement de la durée de vie en bonne santé. Les technologies émergentes nous permettent d’envisager d’éradiquer les maladies liées à l’âge, dans un futur pas forcément éloigné. Et la suppression de ces maladies permet, indirectement, petit-à-petit, de gagner des années de vie. Ainsi l’espérance de vie pourrait augmenter de 5, 10, voir 20 ans dans les décennies à venir. On ne pourra donc pas devenir “amortel” du jour au lendemain, mais à terme gagner chaque jour des heures de vie supplémentaires (aujourd’hui 6h gagnées toutes les 24h).
2 Souhaiter le progrès scientifique, c’est laisser carte blanche à celui-ci
La meilleure façon de répondre à cela est de donner quelques exemples prouvant le contraire. En effet, la plupart des grands représentant et fondateurs du transhumanisme s’attèlent à la rude tâche qu’est de contrôler, maîtriser et de faire bénéficier à tous des grandes avancées scientifiques et technologiques. James Hugues et Nick Bostrom sont par exemple les fondateurs de l’Institute for Ethics and Emerging Technologies, qui cherche à comprendre les impacts sociétaux des nouvelles technologies. Nick Bostrom dirige également le Future of Humanity Institute, qui a pour but d’étudier les risques existentiels et anthropiques de notre civilisation. Enfin, on peut également citer Elon Musk et son association OpenAI, qui travaille à développer une intelligence artificielle au service de l’humain et de l’humanité.
Parfois, c’est directement la science qui travaille à développer des technologies soucieuses de l’éthique. Les organes sur puces par exemple, un domaine prometteur, qui se développent grâce aux récents progrès en microfluidique, sont des puces qui tiennent dans la main, reproduisant le fonctionnement d’un organe, comme les poumons. Développer ce genre de puce et tester des médicaments sur celle-ci permettrait un double progrès social : la fin de l’expérimentation animale, ainsi que la réduction du coût et du temps dédiés à l’élaboration d’un médicament jusqu’à sa commercialisation.
3 Être transhumain, c’est rejeter sa condition biologique et chercher à être une machine
L’une des plus grandes représentations du transhumanisme est le cyborg, l’homme machine. Par exemple, en recherchant le mot “transhumanisme” sur Amazon, on retrouve sur la première page de résultats 5 livres proposant comme image de couverture un robot, un bras numérique ou un cerveau électronique. Le constat est encore plus frappant en faisant cette même recherche sur Google Image : La quasi-totalité des images montrent une main robotique ou un robot entier.
Le premier problème de cette représentation est l’image déshumanisante et parfois anxiogène que présente le robot humanoïde. En effet, malgré des progrès rapides, la robotique ne sait toujours pas reproduire de manière parfaitement ressemblante les mouvements humains. De plus, nous commençons seulement très sommairement à produire des interfaces homme-machine capables de décrypter nos pensées ou nos influx nerveux pour contrôler les prothèses robotisées.
Si l’homme cybernétique est bien l’un des projets envisageables du transhumanisme, c’est loin d’être le seul. Plus modestement, l’objectif de la médecine de demain est de supprimer la plupart des maladies, des cancers aux maladies neurodégénératives, et des dégradations liées à l’âge, telles que les insuffisances cardiaques ou l’ostéoporose. D’ailleurs, en médecine, penser robotique et électronique, c’est davantage penser à utiliser des robots chirurgiens, des nano-robots médecins ou encore l’intelligence artificielle pour les diagnostics, plutôt que de robotiser entièrement un organe ou un membre. C’est à ce titre que l’homme augmenté ne sera pas forcément l’homme robotisé.
4 Biohacker notre corps, c’est en finir avec l’espèce humaine biologique
Il est une chose : nous sommes la première espèce à être capable de prendre en main sa propre évolution. Par exemple, en matière de biohacking, la technologie d’édition du génome révolutionnaire, CRISPR-Cas9, permet aujourd’hui d’imaginer des thérapies visant à supprimer des maladies génétiques telles que la myopathie de Duchenne.
Mais est-ce que le biohacking, dont l’une des plus grandes composantes est la modification du génome, va forcément nous mener à créer une nouvelle espèce, aboutissant ainsi à deux humanités évoluant à deux vitesses, selon l’accès ou non à de telles technologies ? En réalité, il ne s’agit pas là du seul scénario possible, pour la simple raison que nous avons déjà largement accepté une certaine forme d’eugénisme : l’eugénisme face aux maladies génétiques.
Il est par exemple possible de réaliser une interruption médicale de grossesse (IMG) jusqu’au jour de l’accouchement pour un enfant atteint de la trisomie 21, là où une interruption volontaire de grossesse (IVG) n’est possible que jusqu’à 12 semaines de gestation. 96% des femmes porteuses d’un enfant trisomique décident d’ailleurs d’avoir recours à l’IMG. Et il n’existe aucun soucis éthique ici, c’est-à-dire de situation où l’utilisation de cette thérapie nuirait à autrui. L’eugénisme visant à supprimer la trisomie 21 est largement accepté dans nos sociétés, et ne mène en aucun cas à ce qui ressemblerait à la fin de l’espèce humaine.
5 Améliorer l’homme, c’est chercher à être un Dieu
On dit souvent qu’en cherchant à contrôler la mort, la génétique, l’intelligence artificielle ou encore la physique quantique, c’est-à-dire chercher à quasiment tout contrôler, l’homme ambitionne, via l’idéologie transhumaniste, de se rapprocher voire de dépasser Dieu. Dans une autre mesure, on peut parler aussi d’être plus puissant que la nature.
Avoir ce genre de réflexion nécessite déjà de croire en un Dieu. N’oublions pas qu’à ce jeu là, la plupart des religions qui existent encore aujourd’hui ont cherché, par des mythes qui ont perdurés, tels que celui de la Tour de Babel, à réprimer chaque homme qui à tenté de se rapprocher de Dieu par la technique [1], et donc d’être plus fort que le pouvoir du Clergé. Cela fut notamment observé lorsque certains scientifiques, comme Galilée et Copernic, ont fait connaître leur travaux sur la démonstration de l’héliocentrisme.
Cette tendance à réprimer le progrès scientifique, bien qu’appartenant pour l’essentiel au passé [2], se traduit aujourd’hui par ce biais cognitif : contrôler les choses, tels que la génétique ou l’intelligence artificielle, et donc dépasser la nature, est dangereux et mènera à des dérives, et à des hommes dépassés par les évènements.
Mais peut-on vraiment dire que penser transhumanisme, c’est chercher à être Dieu, ou plus simplement chercher à tout contrôler pour ne plus rien laisser au hasard ? On peut être tenté de penser cela avec l’engouement actuel pour la convergence des technologies et le développement d’ordinateur et d’IA ultra-puissants. Mais en réalité, l’objectif est plus vraisemblablement de démultiplier les possibilités et les potentialités. Cela a notamment déjà été le cas à la Renaissance, lorsque Léonard de Vinci a utilisé toutes ses connaissances, puisant dans de nombreuses sciences, pour développer un grand nombre d’inventions nouvelles.
Chercher à contrôler les processus biologiques, comme les maladies ou le vieillissement, ce n’est pas en finir avec les libertés et la créativité, mais au contraire c’est ouvrir une possibilité et une opportunité pour chacun de voir le champs des possibles s’agrandir, profitant d’un temps de vie augmenté pour tester un plus grand nombre d’expériences, de nouveaux métiers, et de nouveaux voyages.
En savoir + :
[1] Les religions invitent bien à se rapprocher de Dieu, mais uniquement par la prière (dans les religions « du livre ») ou par le « détachement » (dans la tradition hindouiste ou bouddhiste)
[2] Une doctrine comme le Créationnisme persiste toujours. Il s’agit de la croyance selon laquelle Dieu est le créateur de la vie, aboutissant à la réfutation du principe de la sélection naturelle et de la théorie de l’évolution.