Est-il déraisonnable de vouloir plus ?
Alexandre Maurer
2017-04-18 00:00:00
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Le transhumanisme prétend augmenter l’humain et dépasser ses limites biologiques.

Une des critiques récurrente du transhumanisme est donc la suivante : les transhumanistes seraient de tristes sires qui « veulent toujours plus », incapables d’apprécier ce qu’ils ont, perdus dans une perpétuelle fuite en avant, et au final bien malheureux.

Or, comme souvent lorsqu’on parle du transhumanisme, on est là face à une confusion sémantique. Car il y a plusieurs façons de « vouloir plus ».

Prenons un exemple simple : un individu qui, chaque jour, fait son jogging. Son but est de progresser, d’améliorer sa santé et son endurance cardiaque. Il y a deux manières d’envisager le jogging :

Une façon sereine et détendue, où l’on court avec plaisir chaque jour, en appréciant les progrès réalisés chaque mois.

Un façon crispée et nerveuse, où l’on est obsédé par la performance, où l’on se mortifie de ne pas progresser assez vite, et où le plaisir est absent.

Dans les deux cas, le but est le même : s’améliorer. Mais l’approche peut être sereine et constructive, tout comme elle peut être malsaine et compulsive. Il en va de même pour le « désir de devenir plus » qu’incarne le transhumanisme.

Reproche t-on à un passionné d’art et de culture de lire « trop » de livres, d’être « trop » érudit ? Certainement pas ! A l’inverse, on peut « vouloir plus » de façon mortifère, par exemple en voulant toujours plus d’argent, sans jamais apprécier la richesse que l’on a à un instant donné. On peut voyager par passion et par envie de découvrir le monde… tout comme on peut enchaîner les voyages pour tenter de fuir ses problèmes.

« Vouloir plus » n’est donc pas malsain ou mortifère en soi : tout dépend de la manière dont on veut plus !

On peut bien sûr imaginer un transhumanisme pathologique, où le désir de s’augmenter est une façon de se fuir soi-même, de ne pas affronter ses problèmes. C’est celui qui, malheureusement, est le plus souvent dépeint par les médias. Or, à l’instar de tous les autres domaines, on peut tout aussi bien imaginer une approche sereine et positive du transhumanisme.

Cela serait, par exemple :





Culte de l’effort : ne confondons pas tout

Certains objecteront que de telles augmentations sont critiquables car elles ne reposent pas sur l’effort. On peut imaginer, par exemple, une personne intégrant un implant neuronal et devenant plus intelligente sans faire d’effort particulier. Intuitivement, nous nous disons que c’est « mal », que c’est, en quelque sorte, « de la triche ».

Une telle réaction est en partie conditionnée par le culte de l’effort et de la performance qu’on nous inculque dès le plus jeune âge – le fameux no pain, no gain. Si la souffrance est absente, tout « gain » devient aussitôt suspect !

Mais de telles augmentations ne suppriment pas l’effort : nous continuons toujours à faire des efforts, quotidiennement, à notre niveau.

On peut comparer cela à l’apprentissage musical. Apprendre à jouer du violon demande des efforts, quel que soit le violon. Mais en parallèle, il n’est pas interdit de fabriquer un violon de meilleure qualité ! L’expérience n’en sera que meilleure. Si nous en étions restés aux instruments rudimentaires de la préhistoire, nous n’aurions pas eu la musique classique, le rock, le jazz…

Ainsi, selon cette analogie, les transhumanistes ne veulent pas supprimer la musique : ils veulent au contraire perfectionner leurs instruments !