Transhumanisme et quête de sens
Alexandre Maurer
2016-09-10 00:00:00
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Originally published on Technoprog on July 30 2016

La complexité de notre cerveau nous amène à réfléchir et à nous poser des questions. L’une de ces questions est : « Pourquoi ? »

Cette question traduit l’idée que la plupart de nos actions ont un but. Ainsi, un homme des cavernes pouvait déjà faire le raisonnement suivant : « Pourquoi fabriquer une lance ? Pour chasser. Pourquoi chasser ? Pour manger. Pourquoi manger ? Pour vivre. »



Mais pourquoi vivre ? Là, pas de réponse évidente. D’après la théorie de l’évolution, nous sommes issus d’un long mécanisme de sélection naturelle, à l’origine duquel se trouvaient des bactéries incapable de formuler la moindre pensée. Et nous, après des millions d’années d’évolution, avons la capacité de nous demander à quoi rime tout cela.

Certains vont chercher des explications religieuses, en décrétant que notre existence suit le plan d’un créateur divin, ou de plusieurs. Mais à supposer que ce soit le cas, cela ne nous avance pas davantage : nul ne peut prétendre savoir quel est ce plan !

C’est donc à nous qu’il appartient de donner du sens à notre existence. Ce « besoin de sens » est fort : échouer à trouver un sens à sa vie peut conduire au désespoir, à l’auto-destruction, au consumérisme effréné, à l’extrémisme religieux…

Nous formulons ici l’idée suivante : le transhumanisme peut être un moyen de donner plus de sens à l’humanité. Essayons d’expliquer pourquoi.

Mais avant d’aller plus loin, précisons qu’il ne s’agit là que d’une piste parmi d’autres. Elle n’est pas incompatible avec d’autres façons de trouver du sens : avoir des enfants, pratiquer une religion, créer de l’Art, participer à des œuvres de charité… Précisons également qu’il ne s’agit pas d’un idéal hégémonique et coercitif : chacun est libre d’y adhérer ou non. Nous ne faisons qu’apporter des éléments de réflexion, que chacun pourra utiliser pour se faire son idée.

Pourquoi le transhumanisme ?

Comme dit plus haut, nous sommes issus d’un long processus d’évolution naturelle. Ce processus n’est pas linéaire : il y a eu des égarements, des régressions, des extinctions massives… Cependant, si l’on prend beaucoup de recul, nous sommes passés de bactéries nageant dans une soupe primitive à des humains capable d’avoir une réflexion sur tout cela. Il y a donc eu un accroissement d’intelligence et de conscience de soi.

La plupart des humains apprécient grandement cette capacité à ressentir, penser, conceptualiser le monde – en somme, à « exister intensément ». Ils ne souhaiteraient pas devenir une mouche : même en respectant la vie animale, l’expérience de vie d’une mouche nous semble terriblement limitée.

Partant de là, pourquoi ne pas chercher à accroître ce qui nous permet d’exister avec intensité, d’apprécier la richesse et la complexité du monde, de gagner en sagesse ?

Il ne s’agit aucunement de dénigrer la qualité des expériences de vie que nous pouvons avoir aujourd’hui (contrairement à ce que martèlent certains détracteurs du transhumanisme). Voyons plutôt les choses ainsi : si nous apprécions ces expériences riches et complexes, alors nous pouvons trouver du sens dans l’accroissement de ce qui nous permet d’avoir ces expériences. Aussi bien pour nous que pour nos descendants.

Cela peut prendre diverses formes : une vie beaucoup plus longue en pleine santé (moyen d’une plus grande sagesse) ; des capacités cognitives accrue (vecteurs d’expériences plus riches) ; de nouveaux moyens d’interagir avec le monde et avec autrui.

On pourrait décréter que l’humain est le pinacle de l’évolution, qu’il est « parfait » et que rien de mieux ne viendra après. Mais ce serait arbitraire : rien n’interdit d’imaginer une humanité future par rapport à laquelle l’actuelle semblerait bien rudimentaire et limitée, à l’instar de nos ancêtres préhistoriques. Et cette humanité future pourrait elle-même faire ce raisonnement. Il n’y a pas de limites a priori à la quête d’ « exister davantage ».

« Le bonheur, c’est le sentiment que la puissance croît », disait Nietzsche. Non pas une puissance dominatrice et destructrice ; mais davantage une « puissance d’exister », selon l’expression de Spinoza.

De nombreux détracteurs voient le transhumanisme comme quelque chose qui se ferait au détriment de tout le reste, qui ne pourrait prospérer que sur le dénigrement des plaisirs simples de la vie. Comme si tout désir d’évoluer ne pouvait procéder que d’une « haine de soi ». C’est là une vision bien mortifère de la condition humaine. Nous aimerions les inviter à changer de perspective, et à envisager les choses ainsi :

En tant qu’humains, nous aimons ce qui fait la beauté, la richesse et la complexité de la vie. Avec le transhumanisme, nous avons l’opportunité de pouvoir « exister plus » : pourquoi ne pas utiliser cette formidable opportunité ?

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