Un argument bioconservateur pour la longévité
Alexandre Maurer
2017-12-01 00:00:00
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Initialement publie sur le site de l'Association Francaise Transhumaniste - Technoprog

Ma première réaction fut de me dire : ah, encore cette idée selon laquelle on ne pourrait vivre plus longtemps qu’en étant de plus en plus vieux et fatigué. Cette réaction prend, plus généralement, la forme suivante : « Vivre 50 ans de plus ? Non merci ! Je ne veux pas passer 50 ans dans un lit d’hôpital ! »

Il faut alors préciser que l’objectif transhumaniste n’est bien sûr pas d’être « vieux pendant des siècles », mais bien de ralentir le vieillissement, de le stopper, et pourquoi pas de l’inverser (voir cet article pour plus de détails). Ceci, afin d’être le plus longtemps possible en forme, en pleine possession de nos moyens, et aptes à profiter de la vie. Tout en respectant la liberté de mourir pour ceux qui le souhaiteraient.

Cette réaction est peut-être culturellement liée au mythe de Tithon, cet homme qui demanda aux dieux la vie éternelle, mais oublia de demander également la jeunesse éternelle. Il fut donc condamné à vieillir et à se délabrer sans fin. Voir cet article de Didier Coeurnelle à ce sujet.

Puis, je me suis dit… au fond, cela est vrai. Beaucoup de personnes de plus de 90 ans – surtout celles qui sont immobilisées dans un lit d’hôpital – n’ont pas la volonté de vivre beaucoup plus longtemps. Elles sont lasses, fatiguées. Leurs capacités physiques et mentales ont fortement décliné. Le plus souvent, elles souffrent, au sens le plus physique et immédiat du terme. Sans parler de la souffrance morale de ne pouvoir quitter leur chambre ou voir leurs proches. Leur meilleures années sont derrière elles, et elles n’attendent plus grand chose de l’avenir.

C’est un point sur lequel les transhumanistes et les bioconservateurs seront d’accords : être extrêmement vieux, être très fatigué et très diminué… ce n’est pas drôle. Tellement pas drôle que l’on ne souhaite généralement pas vivre beaucoup plus longtemps.

Et… justement : c’est pour cela que les transhumanistes proposent de combattre le vieillissement. Car si nous sommes d’accord pour dire que la déchéance du grand âge ôte peu à peu la volonté de continuer à vivre… souhaiterions-nous cela à nos semblables ?

Je répète : si cela était évitable, souhaiterions-nous à nos semblables un état qui ôte la volonté de vivre ?

Pour moi, la réponse est claire : non.

Si nous pouvons repousser cet état jugé universellement terrible (en ralentissant le vieillissement), faisons-le ! Et si nous pouvons le repousser indéfiniment (en stoppant ou en inversant le vieillissement), ne nous en privons pas. Laissons à chacun la liberté de décider si et quand il souhaite mourir – et, idéalement, sans passer par la phase cruelle et douloureuse de la vieillesse extrême.

C’est bien entendu un défi complexe, qui demandera énormément d’investissements (comme la première mission Apollo). Mais cela, nous pouvons le faire. Nous pouvons le faire… si nous sortons du paradigme culturel encore dominant aujourd’hui : la « religion de la mort ». Ou, autrement dit, le réflexe pavlovien que nous avons, face à ces perspectives de longévité radicale, d’affirmer que la mort est « bonne, naturelle, souhaitable ».

Ce changement de paradigme risque de prendre du temps. Mais j’espère y avoir un peu contribué avec cet article.

Pour aller plus loin :







 


Photo : la série Six Feet Under, une réflexion sur la mort.