Vers une reconnaissance d’un droit à la longévité
Hadrian Pourbahman
2016-08-12 00:00:00
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Originally published on Technoprog on 18 June 2016

Vers une reconnaissance d’un droit à la longévité et au vieillissement en bonne santé

« En France, les personnes de 60 ans ou plus sont aujourd’hui 15 millions, elles seront 18,9 millions en 2025 et près de 24 millions en 2060 (INSEE). Le nombre des personnes de plus de 85 ans va presque quadrupler d’ici 2050, passant de 1,4 million aujourd’hui à 4,8 millions. En 2060, une personne sur trois aura plus de 60 ans. »

Cette citation n’est pas tirée d’une obscure revue scientifique en mal de reconnaissance mais de l’annexe de la loi du 28 décembre 2015 “relative à l’adaptation de la société au vieillissement”. La population française (et a fortiori la population mondiale) vieillit, notre modèle de société ainsi que nos modèles légaux doivent impérativement s’adapter.

Mais que cache cette adaptation ? Un toilettage de la législation et de la pensée actuelle ou une véritable refonte de la politique en matière de vieillissement et l’instauration de nouveaux droits ?



La difficulté de définir le vieillissement engendre la difficulté de légiférer sur la question

Nous pouvons résumer la notion de vieillissement comme étant un processus de dégradation subi par un organisme tout au long de la vie de celui-ci conduisant à une perte progressive des capacités physiques ou mentales.

De nombreuses études démontrent que de multiples facteurs sont à l’œuvre quant à l’accélération ou au ralentissement du processus de vieillissement de l’individu, ces derniers peuvent être biologiques (sénescence, apoptose, régénération cellulaire…), génétiques (présence ou non de maladies génétiques chez la personne), sociaux (décès de proches, isolement social, proches présents), sanitaires (consommation d’alcools, de drogues, ou au contraire de légumes, pratique d’un sport) etc.

Afin d’appréhender au mieux l’avancement du vieillissement d’une personne, plusieurs notions vont participer à sa définition (fragilité, autonomie, dépendance…), nous pouvons donc rapidement en conclure que nous ne vivons pas tous le même vieillissement. Cette diversité généra une difficulté redoutable pour son appréhension légale.

En effet, la construction d’une norme légale fonctionne de la même manière que la construction d’un immeuble. Si la construction de ce dernier doit reposer sur des fondations solides, la norme légale quant à elle doit reposer sur des concepts clairement définis pour pouvoir s’appliquer de manière juste et équitable à chaque individu. Nous touchons ici à une des difficultés majeures concernant la problématique du vieillissement : sa prise en compte juridique parcellaire.

En effet, la théorie du verre à moitié plein joue à plein régime en matière de prise en charge du vieillissement car à l’heure actuelle, elle est avant tout centrée sur l’accompagnement des personnes dépendantes, c’est-à-dire celles dont la perte d’autonomie ne leur permet plus d’agir de manière indépendante.

Vous trouverez à loisir des textes légaux (tant au sein du droit codifié qu’au sein de la Common Law [1]) qui mentionnent la protection de la personne dépendante. En revanche, vous ne trouverez aucune assertion juridique qui sous-tend l’idée qu’un gouvernement doit se doter de moyens suffisants pour lutter contre le fléau du vieillissement ou qu’il doit prôner l’instauration d’un droit pour tout un chacun de vivre plus longtemps en bonne santé. Mais les choses sont en train d’évoluer doucement.

L’Organisation Mondiale de la Santé, alliée objective des longévitistes ?

Si les pouvoirs publics commencent à prendre réellement en compte la problématique que le vieillissement engendre (c’est-à-dire une longévité accrue de l’être humain), ils restent néanmoins frileux à l’idée même de délaisser la vision parcellaire qu’ils ont du vieillissement et d’embrasser une vision plus complète.

Dans ce cas, quelle entité pourrait alors amorcer un réel changement de cap ? La réponse pourrait venir de la branche spécialisée de l’ONU ayant pour but d’élever le niveau de santé de l’ensemble de l’humanité : l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

En effet, cette organisation, entre autres actions, rédige de nombreux rapports et définit les grandes orientations politiques à faire appliquer en matière de santé publique.

Dans un rapport paru le 30 septembre 2015, l’OMS analyse de manière particulièrement fine l’état actuel et futur de la prise en charge du vieillissement. Ce rapport est assorti d’un plan d’action incitant vivement les États à mettre en place une vision dépoussiérée de l’analyse qu’ils peuvent avoir concernant la longévité humaine, et propose d’accompagner cette vision nouvelle de législations innovantes.

L’organisation a présenté ses conclusions lors de sa 69e assemblée qui s’est tenue du 23 au 28 mai 2016 à Genève. Afin que ces conclusions ne restent pas lettre morte, l’assemblée a approuvé le « projet de stratégie et de plan d’action mondiaux sur le vieillissement et la santé » basé sur le rapport de septembre 2015.

Par ce vote, l’OMS reconnaît l’importance de la problématique du vieillissement mais aussi le fait que les sociétés modernes (et notamment les sociétés occidentales) doivent changer leur regard sur cette dernière afin d’offrir à leur population, une véritable possibilité de vieillir en bonne santé.

La mise en place d’une telle politique sanitaire ne pourra s’effectuer que grâce à l’instauration d’un droit à la longévité et au vieillissement en bonne santé à un niveau étatique voire mondial. Cette obligation permettra de garantir une réforme sanitaire juste et équitable en vue de faire profiter à tous de cette possibilité de bien vivre son vieillissement et non plus de le subir.

Par cette prise de position, l’OMS se fait donc l’alliée objective des longévitistes qui réclament depuis longtemps l’instauration de véritables politiques publiques en matière de droit à la longévité.

Pourquoi l’émergence d’un droit à la longévité pour tous va devenir incontournable

Bien que la problématique soit posée par l’OMS, l’instauration d’un véritable droit à la longévité et au vieillissement en bonne santé n’est malheureusement pas pour tout de suite.

En effet, afin d’instaurer un tel droit, de nombreux pans de la société devront évoluer et avec eux, nombre de réformes juridiques devront être menées : lutte contre les discriminations liées à l’âge, respect véritable de l’intégrité physique et mentale de la personne, création d’une responsabilité étatique en matière de politique sanitaire etc…

Toutes ces réformes nécessiteront de revoir intégralement notre manière de penser la société ainsi que les fondations même de notre droit [2].

Toutes ces questions ne sauraient trouver une réponse rapide. C’est pour cela que je vous invite à consulte, le dossier de l’AFT-Technoprog “Vers une reconnaissance progressive d’un véritable droit à la santé, à la longévité et au vieillissement en bonne santé” qui tentera, d’apporter des réponses aux questions que nous nous sommes posées.