Enseigner le Transhumanisme ?
Marc Roux
2016-05-16 00:00:00
URL

La Recherche à deux vitesses

Dans le cadre de l’actuelle campagne électorale américaine, la droite religieuse et radicale développe en ce moment même toute une campagne anti-science. L’objectif est notamment de contrecarrer les discours scientifique sur le réchauffement climatique mais aussi la théorie de l’évolution. Au même moment, en France, des dizaines de membres des jurys de l’agrégation de mathématique viennent de démissionner pour protester contre la dégradation des conditions de formation et de recrutement des enseignants de leur discipline. Ils signalent comment, à force de dégrader l’image de la condition enseignante, notamment en science, le nombre des candidats en 2011 n’a permis de pourvoir que 60% des postes offerts en mathématique !



Or pendant ce temps, le nombre de scientifiques ne cesse de progresser dans le monde en développement (Inde, Chine …) ; la science ne cesse d’accumuler des découvertes et des réalisations toujours plus stupéfiantes ; sans cesse nos sociétés densifient leur technologie et se complexifient. Au point que si ce monde dans lequel nous évoluons n’est déjà plus du tout celui de nos parents, il me parait évident qu’il ne sera pas davantage celui de nos enfants.



C’est pourquoi, face aux bouleversements issus de la science qui sont en cours, en tant que transhumanistes techno-progressistes revendiqués nous pouvons proposer deux choses : non seulement un effort considérable dans le domaine de l’enseignement scientifique, mais aussi l’introduction d’une réflexion sur le questionnement transhumaniste, autrement dit une initiation à la prospective, au minimum… dès le collège.



Qu’enseigner aux générations montantes dans une perspective Transhumaniste ?

Pour répondre à cette question, prenons quelques exemples précis, pourquoi pas dans le cadre de la relation au travail.



Dans 30 ou 40 ans, l’espérance de vie en bonne santé et en bonne forme aura peut-être augmentée pour atteindre le siècle ou davantage. L’une des conséquences – et ceci tout à fait indépendamment des facteurs économiques (du genre, comment payer les retraites ?) est qu’il serait absurde pour eux d’envisager de cesser toute activité créative de biens ou de services pour la société – professionnelle ou autre, à partir d’un âge comme 60 ans.



Idem, il serait absurde de considérer normal que leur temps de formation/apprentissage s’arrête après 15 à 25 ans. Si ce temps de formation était de 15 ans à 25, voire 30 ans à une époque ou l’espérance de vie était de 80 ans et la retraite légale à 60 ans (soit une temps de formation représentant 25 à 50% du temps d’activité), avec une espérance de vie à 100, voire 120 ans, selon les mêmes proportions ce temps de formation devrait représenter 20 ans comme minimum obligatoire et 40, voire 50 ans dans les cas les plus longs !



Sur une durée de vie active allongée, la tendance à changer et alterner les métiers, les activités (professionnelles ou non) et les formations se trouverait probablement renforcée. Mais une question qui devrait être tôt envisagée par les jeunes générations est de savoir s’ils acceptent un système où la contrainte et la pénurie de l’emploi conduisent à devoir accepter leurs formations en fonction des besoins de l’économie, ou si au contraire ces formations tout au long de la vie doivent d’abord être le résultat d’un choix individuel.



Et, de manière générale, comment se projetteraient-ils s’ils apprenaient que leur durée de vie pouvait se révéler beaucoup plus longue encore … ?



Les robots, premiers de la classe ?

Un autre exemple de réflexion qu’il me semble nécessaire de développer de bonne heure est celle liée au développement d’une société humaine où de plus en plus de tâches, industrielles comme de service, physiques comme intellectuelles, sont assurées par des systèmes automatiques, robots, ordinateurs, programmes, etc.



Comment nos enfants envisageront-ils de trouver leur place dans ces sociétés ? Si la main d’oeuvre ouvrière ou salariée en général est de moins en moins nécessaire à la production de biens et de services, la majorité d’entre eux devra-t-elle accepter d’être reléguée dans un sous prolétariat réduite à ce qui restera accessible à l’humain 1.0. Les êtres humains devront-ils adopter l’augmentation transhumaniste sous la contrainte des impératifs économiques, ou bien pourront-ils enfin imposer un juste partage des énormes gains de productivité réalisés depuis deux siècles, profiter d’une vie faite en grande partie de temps libre et envisager une augmentation/amélioration humaine véritablement choisie?



Apprendre à devenir humain

Mais, me direz-vous, comment peut-on proposer à des enfants de réfléchir à de telles perspectives alors que, s’il est déjà bien difficile à des adultes de se faire une opinion face au tourbillon des transformations techniques et sociales, les plus jeunes sont encore moins capables d’avoir une compréhension globale du monde ?



Et bien, c’est justement pour cette raison que je pense pertinent de leur enseigner, tant qu’il est encore temps, que leur monde et leurs horizons sont ouverts. Loin des murs d’un dogme obscurantiste, ils aborderont le questionnement transhumaniste par la fiction, le rêve, la fantasmagorie, le mythe, avant de venir le confronter aux possibilités concrètes des sciences et des techniques de leur temps. C’est tant qu’ils ne sont pas formatés par une vision figée et frileuse de leur avenir qu’ils ont une chance de devenir libres. D’autres diraient : de devenir humain. Érasme n’écrivait-il pas : « L’homme ne naît pas homme, il le devient. » ?



Pour en savoir plus :

• Le Transhumanisme pour les enfants

Transhumanism for Children, by Nikki Olson on March 31, 2011