Les membres bioniques seront-ils un jour à la mode ?
Marc Roux
2016-05-23 00:00:00
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Originally Published on Technoprog by Kusanageek for Marc Roux on February 24 2012

Il y a une différence fondamentale entre les cas évoqués et le fait d’aller remplacer un bras ou une jambe par un modèle artificiel sur un coup de tête : ces personnes ont perdu l’usage d’une partie de leur corps et l’opportunité d’avoir un membre qui retrouve une fonctionnalité équivalente à l’original rend la décision évidente.



Des freins à l’adoption de membres artificiels… qui disparaissent.



C’est cette différence qui rend viscérale l’opposition à une telle idée : pourquoi devrais-je remplacer mon bras “sain” par un modèle moins efficace, avec lequel je ne pourrais plus sentir ce que je touche et qui n’a rien en commun avec mon héritage génétique ?



Pour qu’un membre bionique devienne une idée séduisante, il faudrait effectivement qu’il apporte une plus-value comparé à ce que nous avons originellement : des bras et des jambes qui ont fièrement prouvé leur intérêt dans notre interaction avec le monde qui nous entoure. Il faudrait également qu’il ne nous fasse rien perdre de ce que nous avions déjà avec l’équivalent biologique.



Tout d’abord, et ce n’est pas la moindre des choses, la prothèse bionique devrait être vue comme une “augmentation” pour le sujet. Pouvoir porter des charges plus lourdes, pouvoir courir plus vite, ne plus connaître de fractures ou ne plus craindre les flammes et/ou décharges électriques en seraient des motifs valables, bien que cela ne suffise pas. Inutile de remplacer sa jambe par une autre qui nous rend incapable de sautiller ou de se mettre à genoux. Ensuite la prothèse devrait nous permettre de ressentir ce que nous touchons. Ce n’est pas qu’une question de confort (quoi de plus horrible que de ne plus pouvoir éprouver le plaisir de toucher du tissu ou de sentir un courant d’air chaud sur ses mains ?) mais aussi d’efficacité : les sensations sont nécessaires pour pouvoir ajuster nos gestes, comme le fait de tenir un verre sans trop le serrer.



Enfin, le membre bionique étant avant tout un objet extérieur à notre corps, il serait préférable que ce dernier ne le rejette pas. À quoi bon avoir un membre meilleur si c’est pour qu’il soit sans cesse sujet aux caprices de notre système immunitaire ? On n’évoquera pas la nécessité de prendre des immuno-dépresseurs ou autres traitements similaires qui seraient plus un fardeau qu’une libération.



Le fait est que ces trois obstacles vont inévitablement tendre à disparaître : pour le premier point la voie est toute tracée entre des mains bioniques qui ont un nombre de degrés de libertés en tout point supérieur à leur équivalent biologique et des matériaux bien plus solides. Patrick, le jeune autrichien qui a choisi de se faire amputer pour une main artificielle, peut par exemple faire des rotations de 360° avec celle-ci.



Au sujet des sensations, les dernières expériences menées à ce sujet sont très encourageantes avec par exemple des singes qui ont pu ressentir ce que faisait leur bras “ajouté”… qui était simulé dans un ordinateur ! Tout cela grâce à un implant cérébral…



Quant au risque de rejet, celui-ci est de plus en plus écarté de par l’utilisation de matériaux “biocompatibles” en lieu et place du métal qui tranche les tissus fragiles, se dégrade avec le temps et augmente dramatiquement les chances de rejet. Cela fait environ 3 ans qu’une patiente souffrant de paralysie possède un implant cérébral sans effet secondaire. Nous pouvons aussi évoquer le travail d’un certain docteur Storsberg qui a su implanter durablement une cornée articielle et dont la technique “d’attachement des cellules” serait applicable à des os artificiels.



Le cas Oscar Pistorius



Marc Roux l’a déjà évoqué dans un autre article : le fait qu’un athlète dont les jambes sont artificielles puisse concurrencer officiellement des coureurs “valides” est un véritable “pas en avant dans le Transhumanisme”. Laissons de côté les implications philosophiques d’un tel évènement (fort bien expliquées par Marc) pour aller plus loin dans notre petit exercice de prospective : et si un jour nous avions des jeux olympiques pour “augmentés” ? Le besoin de spectaculaire et d’efficacité propre à notre société pourrait trouver écho dans des épreuves sportives où les athlètes sont sans cesse plus forts, plus rapides, plus précis… générant là un type d’épreuve qui supplantera celui exercé de nos jours : le sport pour “augmentés”.



On aurait par conséquent un terrain propice pour le développement de la popularité des prothèses bioniques, entre la démonstration permanente de leur efficacité à la télévision et le bombardement publicitaire fournit par des sponsors spécialisés dans les biotechnologies au cours de telles épreuves. Les répercussions pourraient être profondes jusque dans notre culture, où même l’art se mêlerait à la tendance (à quand des défilés de mode pour “augmentés” ?).



Bien qu’il soit regrettable que le fait de vouloir adopter une prothèse devienne ainsi plus le fruit d’une pression sociale et économique (société du spectacle, consumérisme ou exigence d’exploits) que du libre choix de l’individu, nous ne pouvons nier que ce serait un facteur très probable de “démocratisation” des membres bioniques.



Alors, serons-nous tous un jour comme Aimee Mullins, à changer de jambes comme nous changeons de tenue pour une soirée ? Au vu des tendances fortes qui pourraient être à l’oeuvre, tout est possible.



Article écrit par Kusanageek pour Siliconmaniacs.org et l’AFT:Technoprog.