Le transhumanisme au service du développement durable
Marc Roux
2020-02-17 00:00:00
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Initialement publie sur le site de l'Association Francaise Transhumaniste - Technoprog

Le transhumanisme est un mouvement intellectuel qui vise à utiliser la science et la technologie pour améliorer la condition de l’être humain à travers l’augmentation de ses capacités physiques, la quête d’une meilleure santé à tous les âges, la longévité et le perfectionnement des états psychiques favorables à l’épanouissement individuel et collectif.

Le mouvement ainsi défini place l’être humain au cœur du développement. Face à la nécessité de la durabilité de ce dernier, le mouvement, notamment le courant technoprogressiste a intégré le paramètre des risques sanitaires et environnementaux, sans oublier les questions sociales et éthiques, à ses préoccupations majeures. Les Objectifs du Développement Durable (ODD) établis en 2015 par les États membres des Nations unies constituent l’Agenda 2030. Il a été précisé que ces objectifs <> [1]. Ils reflètent des valeurs universelles, et par conséquent tous les pays du monde devraient s’y reconnaître. Après quatre années de mise en œuvre de cet agenda, selon le rapport 2019 [2] du groupe d’experts et de scientifiques SDSN (Sustainable Development Solutions Network), pour l’ONU, aucun pays du monde n’est sur une droite ligne pour atteindre le développement soutenable. Ce dernier étant « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »[3]. Désormais le développement, pour  être idéal, doit être durable.

Aujourd’hui, le monde fait face à une impasse que laisse entrevoir le rapport sus-mentionné. La question qui se pose à toute l’humanité est : comment parvenir à concilier le développement économique, le bien-être social et la protection de l’environnement ?  Ce problème qui touche aux limites humaines ne saurait trouver sa solution sans un saut important dans la manière de repousser les limites innées et sans être très exigeant face au potentiel humain. C’est à travers les moyens scientifiques et techniques que nous parvenons à comprendre la nature, et c’est grâce à la connaissance des lois de celle-ci que nous agissons pour la rendre plus accueillante. Dans ce sens, l’avènement des technologies NBIC (Nanotechnologies, Biotechnologies, Informatique et sciences Cognitives) semble l’opportunité qui permettrait d’explorer et de mieux  saisir les secrets de l’écosystème, de résoudre l’impasse qui, jusqu’alors, rend inatteignables les 17 ODD [4].

Il faut aussi souligner que, contrairement à des visions simplistes du transhumanisme, ce dernier ne souhaite pas n’importe quel progrès technologique. Il  mise sur l’utilité des recherches scientifiques et technologiques pour tenter d’apporter des solutions aux problèmes qui minent l’existence de l’être humain et de réaliser ses rêves. Si le transhumanisme se dote d’objectifs à très long terme, il s’investit aussi et surtout dans la recherche de solutions radicales aux problèmes actuels. Sa vision futuriste concerne aussi la condition humaine actuelle. C’est ainsi que, tant les pays développés que les pays en voie de développement ont devant eux un outil révolutionnaire pour relever leurs défis respectifs. Caractérisés par une dynamique interne et des interdépendances, ces derniers s’avèrent très complexes à appréhender dans leurs interactions y compris les indicateurs et les cibles. Il faut parvenir à résoudre cette complexité. Les technologies NBIC, en dehors de leurs applications lointaines possibles, pourraient permettre de déterminer de meilleurs équilibres voire proposer une alternative optimale.

La modélisation pourrait être envisageable pour maîtriser les interactions entre les objectifs, les cibles et les indicateurs, et même anticiper approximativement des résultats grâce aux masses de données et à l’Intelligence Artificielle (IA). Le transhumanisme repose avant tout sur un ensemble de réflexions disruptives en vue de trouver des réponses efficaces et efficientes aux problèmes de l’humanité. Les ODD auraient été pensés sur la base des capacités humaines existantes et d’après ce qui est défini comme besoins et solutions possibles hors des considérations des technologies convergentes et exponentielles. Le transhumanisme, à travers les outils se développant de manière très rapide, est susceptible d’avoir des impacts inattendus sur l’agenda 2030 ou tout autre programme international ambitieux de développement. En ce sens que les innovations scientifiques et technologiques (NBIC), en transformant très profondément l’humain et la société, changent indéniablement les manières de se projeter dans l’avenir en termes d’objectifs, de moyens, de processus et d’échéance. Il  pourrait intervenir comme véritable partenaire au développement dans la réflexion stratégique, la conception et la gestion du processus d’implémentation des programmes en considération du caractère exponentiel de l’évolution des capacités humaines. Dans la recherche de solutions radicales aux problèmes qui minent l’existence humaine, il peut aussi tenir compte, selon le cas, des réalités spécifiques à chaque pays en termes de priorité et de préalables nécessaires.

Un transhumanisme responsable et cohérent contribue nécessairement à l’épanouissement global de l’humanité. Il vise activement le progrès humain en donnant sens au progrès de la technique. La croissance économique, le bien-être social et la protection environnementale ne sont pas du tout des éléments isolés. En ce sens que c’est l’être humain qui se retrouve au centre des conséquences liés à l’état positif ou négatif de ces éléments. Les conditions  de vie déterminent le niveau de santé humaine. Celle-ci est aussi liée à l’équilibre environnemental. Tout mouvement qui œuvre pour l’épanouissement humain, qu’il soit transhumaniste ou non, sous cet angle doit se doter d’une approche globale ou systémique, en considérant tous les éléments en cause.

Lorsque, de leur côté, les transhumanistes intègrent davantage des aspects pertinents tels que des questions éthiques, les risques sanitaires, environnementaux et sociaux à leurs objectifs, afin d’assurer un développement responsable, du leur, les États membres des Nations Unies poursuivent leurs 17 Objectifs du Développement durable.  Ni l’extrémisme écologiste, ni la croissance de plus en plus accélérée et refusant d’intégrer les externalités (environnementales et sociales) ne peuvent conduire l’humanité au développement soutenable. Seule une vision réaliste et transversale est porteuse d’espoir pour relever les multiples défis respectifs des pays développés et en voie de développement.

L’Association Française Transhumaniste (AFT) Technoprog a « pour objet de diffuser les thématiques et les questionnements relatifs aux technologies susceptibles d’améliorer et de prolonger les capacités et la vie des individus et de l’espèce humaine » [5]. Et les pays développés et les pays en voie de développement ont tous besoin de s’imprégner de ces sujets, afin de mieux comprendre les multiples enjeux qui y sont afférents et d’établir leurs axes stratégiques de développement. Elle offre l’occasion non seulement à ceux qui font la science et les technologies (chercheurs et ingénieurs), mais aussi aux citoyens, de réfléchir et de participer de façon responsable à l’esquisse du futur. Du courant technoprogressiste, elle soutient l’idée « qu’il faudrait utiliser les nouvelles technologies pour améliorer la condition humaine de façon radicale » [6]. Améliorer la condition humaine suppose, avant tout, une transformation rapide des conditions humaines grâce au développement des technologies NBIC. La santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable, à une alimentation, à un logement décent, l’égalité hommes-femmes sont au cœur des préoccupations du transhumanisme technoprogressiste.

L’aventure transhumaniste ne vise rien d’autre que l’épanouissement des êtres humains partout dans le monde, par le dépassement des limites de la nature grâce au génie humain. Ce génie, à travers tous les temps, s’est toujours manifesté par la maîtrise de la technique. Le vocable  « transhumanisme » n’indique qu’une prise de conscience de cette réalité, afin de mieux l’orienter vers un futur désiré. D’une part, comme un mouvement qui s’est doté d’une vision, d’une mission, des objectifs et des valeurs humanistes et universelles, le transhumanisme suscite plus d’intérêt, d’étude et même d’adhésion. Son impact est par conséquent réel et profond sur le changement social. D’autre part, on peut constater que les sujets directement liés aux Objectifs du Développement Durable semblent moins présents dans les débats de la plupart des pays riches. Ainsi, au regard des difficultés ou limites [7] de l’Agenda 2030 et de la nécessité de prendre en compte la profonde et continuelle mutation biologique et sociétale de l’humain induite par les NBIC,  le mouvement transhumaniste serait un allié important dans la poursuite des 17 objectifs.

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Rapport  du développement soutenable au développement des technologies NBIC et des valeurs transhumanistes (catégorisation simplifiée)



1/ Pays à forte évolution du transhumanisme (NBIC) / Pays développés ou riches





Le fort développement des technologies ouvre la voie à l’innovation et permet : augmentation de la production, performance, efficacité, efficience, etc.





Plus d’autonomie, d’équité, système de santé efficace, la justice sociale, la cohésion sociale, la sécurité, un système de sécurité sociale plus fort (solidarité collective), la paix, etc.





Forte empreinte écologique





Réduction des risques sanitaires et environnementaux

2/ Pays à très faible évolution du transhumanisme (NBIC) / Pays en voie de développement ou pauvres





Faible niveau technologique, moyens de production archaïques, très faible production, etc.





Le chômage, corruption, manque d’équité, système de santé fragile, beaucoup d’injustice sociale, les liens sociaux éprouvés par les difficultés quotidiennes,  système de sécurité sociale très fragile ; l’insécurité, paix fragile, etc.





Faible empreinte écologique (mais conséquences négatives de la dégradation plus fortes surtout pour les citoyens les plus pauvres)





3/ Besoins communs à tous les pays





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Exemples d’applications concrètes des idées transhumanistes susceptibles d’être favorables au développement durable



Techniques modifiant la biologie de l’humain

(en rapport aux 17 Objectifs du Développement Durable = ODD#)





Techniques et pratiques ne modifiant pas la biologie de l’humain



[ODD#04] Les technologies émergentes dans le domaine de la communication et les techniques de réalité virtuelle vont de plus en plus faciliter l’accès aux meilleures formations à distance.

[ODD#10] Certains transhumanistes proposent de ne plus utiliser des termes discriminant comme “handicapé” ou “personnes âgées / vieux”, en argumentant que, au vu de nos potentiels, nous sommes tous handicapés, et que, jusqu’à nouvel ordre, nous sommes tous vieillissants. Ce sont surtout des contextes et des discours sociaux qui rendent “vieux” ou “handicapé”. Il existe en échange des capacités ou des incapacités objectives, mais nous en avons tous, et à tout âge.

[ODD#13 “Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques” & 15 “Vie terrestre”] Le transhumanisme technoprogressiste développe toute une série de propositions pour contribuer à la résolution des diverses crises environnementales (climat, biodiversité …). Voir la “Déclaration viridienne”.

[ODD#17 “Partenariats pour la réalisation des objectifs”] Le mouvement transhumaniste technoprogressiste, convaincu des valeurs et de la pertinence des ODD, s’engage à contribuer au mieux de ses capacités à leur réalisation.

Siba Tcha-Mouza et Marc Roux, pour l’AFT-Technoprog

NOTES :

* Projet – Penser le Transhumanisme (2018-2021) : https://unesco.delegfrance.org/Projet-Penser-le-Transhumanisme-2018-2021-3175

[1] voir : ONU, “17 objectifs pour sauver le monde”, https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

[2] https://unstats.un.org/sdgs/report/2019/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2019_French.pdf

[3] https://www.foundationfuturegenerations.org/fr/developpement-soutenable 

[4] https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/

[5] https://transhumanistes.com/presentation/statuts/

[6] https://transhumanistes.com/presentation/valeurs/

[7] https://www.socooperation.org/enjeux-et-limites-des-odd