What Should We Preserve of Our Humanness?
Marc Roux
2014-02-13 00:00:00

1) What human values do we need for tomorrow?

As a starting point I want to ask from a transhumanist perspective “What kind of human world do we want, and what values will it be based on? What should we encourage and prohibit, and why?” But first, what are the criteria we should use to determine our choices?

First, on the question of transhumanism - What should we keep human? I propose that what counts most fundamentally is the consciousness we have of ourselves. Without this awareness, in fact, we would be indifferent to ourselves. Like most other animals, it is mainly our instincts for survival and reproduction, our genetic program, which push us to continue the adventure of our species. So for us humans it is this self- awareness that, above all, gives meaning to existence.

The processes that lead to the emergence of consciousness exist to varying degrees in the animal kingdom and various species. In the higher mammals, we see a basic awareness of self that allows them to plan for the future or recognize themselves in mirrors. But so far, only humans have a degree of consciousness that allows us to project our lives onto the past and the future. With this awareness we begin to achieve some independence from the chance hazards and chaos of our organic, material conditions.

We will fully establish that independence when we are able to establish our consciousness on new platforms, through uploading for instance. Our bodies will certainly change over time, with improved sensorimotor faculties, cognition and emotional control. But these changes will mean little in themselves. They can only be justified insofar as they contribute to the enhanced persistence and development of consciousness.

2) How to ensure the continuity of consciousness?

Thus, what is at stake is that we are beings capable of and working toward moving our consciousnesses into bodies not based on carbon chemistry. Even if we do not agree that the ethical starting point is the continuity of consciousness we can probably agree that it is desirable to move to these kinds of more robust, resilient and sustainable forms, and that that the goal of the continuation of the human species and the individual consciousnesses of human beings can inform what we consider permissible and prohibited.

The difficulty is in trying to determine in advance what will contribute to that goal. Some things will be beneficial under some circumstances and harmful under others. Embryonic stem cells may be useful therapies, but when they reproduce indefinitely lead to cancer. A mental disability (e.g. autism) may in some circumstances be seen as a mark of genius.

As a result, most of the time, we can only determine whether we made a wise ethical choice in hindsight. The best that we can do is remember our failures and try to anticipate the consequences of our actions.

​3) Take our time

Considering whether to use new transhumanist technologies we start with no taboos. But as technoprogressives we do start with the precondition that it is unacceptable to use human beings as test subjects. For technoprogressives the free choice of truly informed and responsible individuals is a precondition for the transhumanist project.

Therefore our technological choices require that we take our time. We need to be able to choose when the experiments are conducted, how long they need to be assessed, and when it is time to adopt, or reject, the new technologies. Unlike some who dream of the great catastrophe or who are waiting for the Singularity, I believe humanity still has time to make these decisions.

The danger, therefore, is not that by adopting NBIC technologies that we will lose our humanity. The charge of hubris is an insult to the true god of Greek thought: human reason.





Que conserver de l’humain ?

Article publiée initialement sur Mesacosan.com

1) Quelles valeurs pour, demain, fonder l’humain ?

Comme point de départ, je prendrai une conférence organisée vers la fin de l’année 2012 à la mairie du IIème arrondissement de Paris et intitulé « Demain, quels humains ? ».

Le magazine Science et Avenir y avait invité Roger-Pol Droit et Monique Atlan (auteurs récents de Humain : enquête sur ces révolutions qui vont changer nos vies).

L’article de présentation que proposait le magazine posait quelques bonnes questions – « quel monde humain nous voulons, et quelles valeurs peuvent le fonder ? Qu’est-ce qu’on encourage ou interdit, et pour quels motifs ? etc… » mais il ne se situait évidemment pas dans une perspective transhumaniste. Je vous propose donc de revisiter un instant ce questionnement et de suivre quelques pistes divergentes de celles balisées par les auteurs pour essayer de discerner les critères qui pourraient déterminer nos choix.

- Tout d’abord, en réponse à la question centrale du transhumanisme – Que conserver de l’humain ? – je propose de considérer que ce qui compte vraiment, au fond du fond, et compte tenu du degré de développement qu’elle a atteint chez notre espèce, c’est la conscience que nous avons de nous-même.

Sans cette conscience, en effet, nous serions indifférents à nous même. Comme pour la plupart des autres animaux, ce sont principalement nos instincts de survie et de reproduction, notre programme génétique, qui nous pousseraient à poursuivre l’aventure de notre espèce, mais, ignorant la certitude de notre disparition individuelle et collective à venir, nous n’en concevrions ni aucune angoisse, ni aucun espoir.

Je pose donc que, chez l’humain, c’est la conscience qui, par dessus tout, donne sens à l’existence.

* Précision : par conscience, il faut ici entendre « conscience supérieure » au sens où la définissent les neuroscientifiques comme Jean-Pierre Changeux, Antonio Damasio ou Gérald Edelman (Pour une bonne synthèse de travaux et d’essais relativement récents de définition de la conscience, j’invite à consulter l’article de Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin : « La conscience vue par les neurosciences », Automates Intelligents, oct. 2008). Les processus qui conduisent à l’émergence de la conscience existent à des degrés divers dans le règne animal et diverses espèces, notamment chez les mammifères supérieurs, semblent dotés d’une conscience élémentaire d’eux mêmes qui leur permet de se projeter dans un avenir à court terme voire de passer un test comme le « test du miroir », mais, sur Terre, seul l’humain nous paraît doté d’un degré de conscience permettant de se projeter non seulement sur sa vie entière mais encore dans son passé historique et dans son futur lointain.

- Notez que le vivant, qui, d’un point de vue matérialiste, semble être apparu par hasard (en tout cas nous ne sommes pas aujourd’hui en mesure d’en cerner les déterminismes), produit des choix qui sont soit eux-mêmes le fruit d’autres hasards, ou chaos, soit issus de combinaison de détermination biologiques et environnementales.

En échange, le « Conscient », lui, commence à raisonnablement envisager de montrer son indépendance par rapport au vivant biologique. Il prouvera véritablement cette indépendance le jour où il se sera rendu capable de développer un support de conscience autre que celui dont il est originaire (l’hypothèse de l’uploading, ou téléchargement de la pensée sur un support informatique, n’est que le plus en vogue et le plus avancé de ces développements spéculatifs mais on pourrait en imaginer d’autres).

Tout le reste de notre corps, qui, certes, semble bien participer à l’émergence et à la définition de notre conscience, est susceptible d’évolution, de transformation progressive à travers le temps ou les générations, jusqu’à aboutir éventuellement à un stade où il serait très différent du corps que nous connaissons aujourd’hui. Ce corps pourrait être augmenté de diverses façons de manière à améliorer ses facultés sensorimotrices, cognitives ou émotionnelles mais toutes ces modifications n’auraient guère de sens en elles-mêmes. Elles ne se justifieraient que dans la mesure où elles contribueraient à la meilleure persévérance et au meilleur développement/épanouissement de la conscience.

2) Comment assurer la pérennité de la conscience ?

Ainsi, ce qui est en jeu dans l’aventure anthropotechnique, ce pourrait être ceci : l’autonomisation du processus qui aboutit à l’émergence de la conscience par rapport au processus biologique basé sur la chimie du carbone. Autrement dit, les êtres dotés de conscience supérieure sont en train de concevoir un intérêt à disposer un jour d’un corps/substrat dont le principe de fonctionnement ne serait plus, ou majoritairement plus, celui du vivant tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Conscience - Selçuk 2

- Que nous nous accordions ou non sur le primat du conscient sur le vivant, nous pouvons sans doute nous mettre d’accord sur l’idée qu’un critère éthique absolu pour nous permettre de dire ce que nous souhaitons permettre et ce que nous souhaitons interdire dans notre évolution à venir est le critère de pérennité (que d’autre appelle résilience, ou robustesse).

Ce qui met en danger la survie et la poursuite de l’existence des individus (de leur conscience ;-) et de l’espèce humaine est à circonscrire, voire à prohiber (hormis le libre choix individuel, conscient et éclairé, de mettre fin à ses jours). Ce qui renforce et encourage notre capacité à survivre, en tant qu’individus libres comme en tant que collectivité harmonieuse peut et doit être permis et même développé.

La difficulté réside bien entendu dans notre capacité à déterminer à l’avance ou au moins à temps ce qui nous sera contraire et ce qui nous sera favorable. Et ceci, d’autant plus que certaines dispositions peuvent se révéler bénéfiques dans certaines conditions et désavantageuses dans d’autres (par exemple, la capacité des cellules souches embryonnaires à se reproduire à l’infini semble pouvoir déboucher sur des cancers, ou bien ce qui est considéré comme un handicap mental (ex : l’autisme) peut, dans certaines circonstances être vécu comme une marque de génie (ex : le syndrome d’Asperger). On pourrait multiplier les exemples.)

Il en découle que, la plupart du temps, ce n’est qu’a posteriori que nous pouvons juger si tel ou tel de nos choix éthiques s’est avéré judicieux. L’histoire ne se répète jamais complètement mais je considère, avec la science, qu’il n’existe guère de meilleure sagesse que de se baser sur le souvenir de nos échecs et de nos réussites passées pour anticiper les conséquences de nos choix à venir (d’ailleurs la logique du vivant n’est pas différente qui procède par essais, erreurs, élimination des ratés et réutilisation des réussites).

3) Prendre le temps

- Concernant maintenant le choix d’utiliser et de développer telle ou telle nouvelle technologie dans le sens d’une évolution de type transhumaniste, il devrait donc en aller de même. Nous ne devrions avoir aucuns tabous, aucuns interdits autres que ceux imposés par des échecs patents.

Cela dit, il est évidemment impensable pour un transhumanisme techno-progressiste de considérer les personnes humaines comme des objets d’essais susceptibles de réussir ou d’échouer. C’est le libre choix, véritablement éclairé et responsable, des individus qui doit être à l’origine des orientations collectives.

Or, Afin de parer au plus vite et au mieux aux dérives et aux ratés de nos choix technologiques, une condition qui me paraît très importante est de se donner le temps. Idéalement, nous devrions avoir le temps du choix, le temps de l’expérimentation, le temps de l’appréciation, celui du plaisir aussi, le temps du bilan puis, le temps de l’adoption ou celui du regret peut-être et de la renonciation.

Contrairement à certains – ceux qui rêvent de La grande catastrophe ou ceux qui attendent déjà la Singularité - je pense en effet que l’humanité a encore le temps devant elle et qu’elle doit le prendre. Scientifiquement parlant, il semble que la seule échéance à ce jour inéluctable pour l’aventure humaine soit la fin de vie du Soleil, ce qui nous donnerait tout de même 4 ou 5 milliards d’années avant que le système solaire ne soit plus vivable.

La précipitation, au contraire, pourrait nous valoir un anéantissement avant ce terme.

Le danger donc, ne me paraît pas venir de l’adoption des technologies NBIC au motif qu’elles ne pourraient que nous faire perdre notre humanité. En échange, il me semble découler de cette logique de la précipitation dont se sert le système sociétal et économique dominant aujourd’hui dans notre monde. Pour parler grec, je pourrais m’amuser à considérer que cette précipitation relève vraiment de l’hybris. Elle est une insulte au véritable dieu de la pensée grecque : la raison humaine. Or, dans la tradition de la tragédie grecque, l’hybris ne peut être que punie.

Pour l’AFT:Technoprog!