Comparaison rapport Touraine/ volonté AFT/ projet de loi de bioéthique
Marc Roux
2019-09-01 00:00:00
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Initialement publie sur le site de l'Association Francaise Transhumaniste - Technoprog

En 2018 se sont tenus en France “les États généraux de la bioéthique”, débat national chargé de préparer la révision des lois de bioéthique prévue pour 2019. Le débat, organisé par le Comité consultatif national d’éthique a eu lieu à la fois en ligne et lors d’audition de spécialistes. Dans ce cadre, Marc Roux, président de l’Association Française Transhumaniste a eu l’occasion de présenter les idées défendues par l’association dans des domaines variés. À la suite de ce débat, le député Jean-Louis Touraine a rédigé, en qualité de rapporteur,  un rapport informatif à destination des députés dans le but de les éclairer sur la position du gouvernement en matière de bioéthique.

De même, préalablement à la présentation du projet de loi de bioéthique aux ministres et parlementaires, le Conseil d’État a été saisi afin de rédiger à la demande du premier ministre une étude intitulée “Révision de la loi de bioéthique, quelles options pour demain ?”.

Étant donné que l’intention des membres de l’Association Française Transhumaniste est de convaincre, grâce à des débats, leurs concitoyens mais également le législateur de la validité de leurs propositions, il semblait intéressant de se livrer à une comparaison des différentes positions dans le but d’identifier les points de convergence et de divergence entre celles-ci. 



I. Positionnement de chaque instance vis à vis de la bioéthique



Traditionnellement, l’association française transhumaniste établit peu de “positions officielles” sur des thématiques données. Son rôle est d’ “interpeller la société sur les questionnements relatifs aux mutations actuelles de la condition biologique et sociale de l’être humain”. Néanmoins, par l’intermédiaire de son président, certaines idées défendues par l’AFT en matière de bioéthique ont été entendues par le CCNE. Généralement, le principe qui guide les transhumanistes est la maxime suivante “il n’y a pas de raison d’interdire ce qui ne nuit pas à autrui”. Ainsi, l’AFT occupe une posture relativement progressiste vis à vis des thématiques envisagées dans le cadre de la révision des lois de bioéthique.

Le député LREM du Rhône Jean-Louis Touraine, également professeur de médecine, qui a déposé un rapport d’information dans le cadre de la révision des lois de bioéthique, a lui aussi une position relativement ouverte sur ces sujets. Son rapport envisage à plusieurs égards des propositions semblables aux réflexions des membres de l’AFT. Force est de constater que ce dernier est particulièrement favorable à l’émergence de nouvelles techniques médicales et à leur utilisation pour le plus grand nombre. Il est néanmoins important de rappeler que ce rapport n’est qu’informatif et qu’ainsi il ne possède aucune force contraignante à l’égard du vote des députés.

En résumé, ce rapport traite des quatre défis de la bioéthique posés par le progrès technique: il s’agit d’abord de la rapidité des évolutions techniques et donc du fait que le législateur doit se prononcer très régulièrement. En raison du sujet, l’encadrement se heurte  également à des difficultés techniques de compréhension. Par ailleurs, la prise en compte de la réalité du tourisme bioéthique est souvent un point de friction important dans les débats. Enfin, l’encadrement bioéthique s’inscrit dans un processus général d’aspiration à plus de libertés individuelles qui doivent être prises en compte par le législateur.

Plus généralement, le député Touraine est en faveur d’un encadrement progressif en fonction de l’évolution des pratiques. Il ne favorise pas le principe de précaution mais plutôt le principe de prudence avec un moratoire tant que les expériences présentent des risques. 

Le rapport s’appuie sur un rapport du Comité consultatif national d’éthique ainsi que des États généraux de la bioéthique ainsi qu’un rapport de l’agence nationale de biomédecine. 

L’étude du Conseil d’État est, sans grande surprise, de tendance plutôt conservatrice. Et ce, en particulier sur les sujets liés à la génétique. Contrairement aux propositions de l’AFT et au rapport Touraine, le premier rôle de cette synthèse est de résumer la législation en vigueur et d’envisager les potentiels conflits de lois selon les hypothèses votées par les députés. Il s’agit donc d’un outil à destination des parlementaires.



 II. Recherche sur les cellules souches et l’embryon :



Le statut de l’embryon est depuis de nombreuses années protégé par des principes fondamentaux du code civil, qui ont par ailleurs inspirés les conventions internationales comme celles d’Oviedo. Le principe fondamental est celui affirmé au premier alinéa de l’article 16-4 du code civil : « Nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine. ».

De ce dernier découle trois grands interdits : la sélection des personnes et les pratiques eugéniques (16-4 al 2), le clonage reproductif (16-4 al 3), et enfin la création d’embryon transgénique ou chimérique (article L. 2151-2) (1).

Les membres de l’Association Française Transhumaniste estiment que rien ne devrait s’opposer à l’utilisation de cellules souches embryonnaires surnuméraires, dans la mesure où les couples à l’origine de ces embryons ont clairement indiqué leur accord en vue d’une utilisation scientifique de ceux-ci. Ainsi, l’AFT considère qu’un embryon donné volontairement à la science n’a pas d’ “intérêt ou de bien être à protéger”. Dès lors l’association propose non seulement d’autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires, mais également d’encourager cette recherche, aussi bien que celle sur les cellules souches en général, comme elle devrait encourager toute perspective d’amélioration, médicale ou scientifique en général, de la condition humaine.

Le rapport Touraine a une position relativement progressiste sur le sujet. En effet, il commence par rappeler les fondements de la recherches sur l’embryon et sur les cellules souches (qui sont les mêmes que pour les dons) à savoir consentement, gratuité et anonymat. Par la suite, il constate que le régime d’encadrement de la recherche sur l’embryon a évolué, puisqu’au départ prohibées, les recherches sont désormais encadrés et autorisées d’autant plus si elles permettent l’amélioration du taux de succès des PMA. Malgré un grand nombre de restrictions, le rapport Touraine présente plusieurs motifs qui justifient l’évolution du cadre législatif : premièrement le maintien de l’attractivité des activités de recherches (c’est d’ailleurs l’argument qui a permis l’assouplissement de l’encadrement). Ainsi, l’ouverture de l’autorisation de recherches sur les embryons est motivée par la crainte de fuite des “cerveaux” à l’étranger et celle de perdre en technicité dans les laboratoires français. Dans un second temps, c’est la finalité médicale qui justifie, selon le rapporteur, l’ouverture des recherches sur les embryons de façon à soigner des maladies génétiques ou pour être utilisée dans le cadre de thérapies géniques ou de la médecine régénérative. Ainsi, en suivant le raisonnement du CCNE, le rapport Touraine encourage le développement de l’utilisation des thérapies géniques somatiques (pas de répercussion sur les gamètes) de façon à corriger des défauts génétiques conduisant à une pathologie grave.

Pistes privilégiées par le rapport Touraine :





Pour conclure, le rapport se situe du côté du progrès scientifique puisqu’il considère que le rôle du législateur est d’accompagner les évolutions scientifiques en s’assurant de limiter les dérives.

Le Conseil d’État  a une position plus nuancée. Il estime également que l’interdit érigé en 2011 gagnerait désormais à être mieux calibré. Il identifie, dans cette optique, deux scénarios :

– soit le législateur entend interdire les recherches en édition génique sur les embryons, au motif que leur but (l’édition du génome transmissible à la descendance) reste, en tout état de cause, prohibé. Dans cette hypothèse, il semblerait alors nécessaire d’élargir l’interdit existant pour y inclure l’ensemble des modifications susceptibles de porter atteinte à l’intégrité du génome de l’embryon ; 

-soit le législateur entend, à l’instar des autres pays déjà évoqués, autoriser les recherches relatives à l’édition génétique appliquée à l’embryon. Dans cette hypothèse, l’interdit instauré en 2011, par souci de cohérence, gagnerait à être levé pour les recherches autorisées sur les embryons qui ne peuvent être transférés à des fins de gestation, c’est‐à‐dire les embryons surnuméraires mentionnés à l’article L. 2151‐5 du code de la santé publique. Il faut à cet égard préciser qu’un tel assouplissement, nécessairement cantonné à la recherche dans la mesure où il resterait par ailleurs interdit d’opérer des modifications génétiques transmissibles à la descendance, ne serait pas contraire aux stipulations de l’article 13 de la convention d’Oviedo (dont la portée est éclairée par le rapport explicatif qui l’accompagne).

Le Conseil d’État recommande par ailleurs de ne pas revenir sur l’économie générale du cadre juridique applicable aux recherches sur l’embryon. En effet, on ne peut nier que les cadres juridiques respectivement applicables à la recherche sur l’embryon non transférable et dans le cadre d’une AMP ont connu de nombreuses évolutions au cours des dernières décennies. Les interventions récentes du législateur, en 2013 et 2016, ont désormais permis de faire émerger deux régimes juridiques cohérents, qui offrent, selon le Conseil d’État, une sécurité juridique aux chercheurs et professionnels de santé tout en assurant, par les strictes conditions qu’ils fixent, une protection adéquate de l’embryon et des cellules souches embryonnaires. En outre, selon cette étude, les évolutions scientifiques n’apparaissent pas telles qu’elles nécessiteraient de réinterroger la pertinence de ce cadre très récent.

Le Conseil d’État souligne également que le souci de rendre la recherche française visible et attractive, qui a présidé au passage à un régime d’autorisations encadrées pour la recherche sur l’embryon non transférable, justifie également de préserver la stabilité du cadre existant et ce, d’autant plus que les recherches sur l’embryon surnuméraire sont conduites au long cours par un nombre d’équipes limité. En revanche, le Conseil d’État estime qu’une réflexion pourrait être amorcée pour distinguer les recherches conduites sur l’embryon surnuméraire de celles conduites sur les lignées de cellules souches embryonnaires humaines déjà existantes.



III. Diagnostic pré-implantatoire



Le DPI (autorisé depuis 1994) consiste à analyser des cellules prélevées sur l’embryon in vitro à un stade ultra‐précoce de son développement. Il n’est autorisé que dans deux hypothèses. Dans celle où le couple, remplissant les conditions de recours à la PMA a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d’une maladie génétique d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic. En 2015, 582 demandes ont été acceptées, sur 766. Ou alors pour sélectionner l’embryon dont les cellules souches (issues du sang placentaire ou, plus tard, de la moelle osseuse) permettront de soigner de façon définitive le premier enfant du couple atteint d’une maladie orpheline rare se traduisant par une défaillance de la moelle osseuse (pratique du DPI‐HLA dite « bébé médicament » ou « bébé du double espoir »). Expérimentée dès 2004, cette pratique est autorisée de façon pérenne depuis 2011. Elle a représenté 38 demandes entre 2006 et 2014.

L’Association Française Transhumaniste considère qu’on peut laisser se développer tout embryon, sauf à prendre en compte les facteurs sociaux comme la souffrance des familles, mais on peut aussi chercher à « améliorer » les individus à naître dans l’objectif, par exemple, de d’atténuer la part de hasard dans la loterie génétique. Le choix, en définitive, doit d’abord revenir à la famille (aux parents).

Car il ne s’agit pas de décider qui doit naître (un foetus n’est pas une personne) mais bien d’éviter à ses futurs enfants des difficultés qui peuvent être évitées. Il ne s’agit pas d’agir sur des personnes vivantes en jugeant leur vie, mais bien de faciliter la vie aux générations futures.

Concernant le diagnostic préimplantatoire, le rapport Touraine revient sur l’utilité de cette technique à savoir vérifier dans le cas d’une fécondation in vitro (par AMP) que le foetus n’est pas atteint d’une maladie génétique particulièrement grave. Il s’agit donc d’une technique de tri des embryons. Cette technique est également utilisée dans le cadre du DPI-HLA dont l’intérêt est également d’identifier les embryons non porteurs d’un gène malade et susceptible de pouvoir soigner un aîné. Le rapport insiste sur l’enjeu éthique de l’utilisation de l’embryon à d’autres fins que la sienne propre, dans l’intérêt d’un tiers.

L’avis rendu par le CCNE à l’occasion de la révision de loi de bioéthique formule une série de recommandations de nature à faciliter l’usage des techniques faisant appel à la génétique.

Pour le moment, la loi dispose que cette technique permet d’identifier “ chez l’un des parents ou l’un de ses ascendants immédiats dans le cas d’une maladie gravement invalidante, à révélation tardive et mettant prématurément en jeu le pronostic vital, l’anomalie ou les anomalies responsables d’une telle maladie » (article L. 2131-4 du code de la santé publique).”

La loi requiert le consentement des deux membres du couple avant de réaliser le DPI.

Par ailleurs, selon l’article L. 2131-4 du code de la santé publique dispose ainsi que « le diagnostic ne peut avoir d’autre objet que de rechercher cette affection ainsi que les moyens de la prévenir et de la traiter ».

Pour le rapporteur, l’eugénisme se définit comme « l’ensemble des méthodes et pratiques visant à améliorer le patrimoine génétique de l’espèce humaine ». Ainsi, éviter le développement d’un embryon porteur d’une maladie grave, souvent mortelle ne saurait être considéré comme de l’eugénisme. Ainsi, le DPI qui a pour but de faire naître des enfants en bonne santé, ne relève pas d’une pratique eugéniste. Il s’adresse aux couples parents d’un enfant atteint d’une maladie létale, dans le but de maximiser les chances de concevoir un enfant non porteur de cette maladie. Par ailleurs, selon le législateur, cette technique ne vise en aucun cas à améliorer le patrimoine génétique de l’embryon en question.

À l’occasion de cette nouvelle révision, le Conseil d’État identifie deux questions principales relatives au diagnostic préimplantatoire. 
La première question consiste à déterminer si, à l’occasion d’un DPI, doivent pouvoir être recherchées certaines aneuploïdies affectant l’embryon (pratique dite du DPI‐A), alors même qu’elles ne constitueraient pas des maladies génétiques héréditaires. 
Sur ce point, en l’état, l’incohérence du cadre réglementaire est parfois critiquée car le DPI ne peut pas être utilisé pour diagnostiquer des aneuploïdies alors que ces anomalies peuvent empêcher le développement de l’embryon implanté (en provoquant des fausses couches spontanées) et qu’elles peuvent justifier, si elles sont dépistées ensuite dans le cadre d’un Diagnostic prénatal (DPN), une IMG plus traumatisante que de ne pas transférer l’embryon dans l’utérus. Le CCNE, dans son avis n° 107, avait déjà relevé ce hiatus et estimé que « l’interdiction de rechercher une trisomie 21 à l’occasion d’un DPI pour maladie génétique présente chez l’un des parents devrait être levée »

Le Conseil d’État souligne toutefois les implications lourdes d’une telle extension : Elle constituerait une rupture avec la finalité originelle du DPI, qui est de « permettre à des couples d’avoir un enfant alors que leur passé familial ou le handicap sévère d’un premier né les aurait conduits à y renoncer au regard du risque élevé de lui transmettre une grave maladie héréditaire». Cette extension tendrait à accréditer l’idée selon laquelle le DPI peut être regardé comme une forme de DPN ultra‐précoce (ce qui justifierait de vérifier dès ce stade l’absence de certaines anomalies déjà détectables, même si elles ne sont pas héréditaires), à rebours de la distinction claire entretenue jusqu’à présent entre ces deux diagnostics ;

Par ailleurs, cette absence de correspondance entre la motivation justifiant le DPI (les antécédents familiaux) et le champ de ce qui serait recherché (des anomalies non‐héréditaires) interroge également sur la possibilité d’autoriser la détection des aneuploïdies dans le cadre d’un DPI alors qu’une telle recherche resterait interdite pour les FIV sans DPI. Ce double standard n’apparaît pas évident à justifier au regard du principe d’égalité.

Ces éléments supplémentaires d’information permettront alors d’éclairer le choix entre les trois scénarios identifiables aux yeux du Conseil d’État  :

1‐le statu quo ;

2-la recherche des aneuploïdies dans le seul cadre du DPI. Dans cette hypothèse, il faudrait alors déterminer si l’ensemble des aneuploïdies sont recherchées (y compris celles qui n’empêchent pas la grossesse d’aboutir) ou si sont seulement diagnostiquées les aneuploïdies qui rendent l’embryon non viable aux fins d’éviter les échecs répétés d’implantation ;

3-la recherche des aneuploïdies pour l’ensemble des FIV. Outre les difficultés pratiques qu’elle soulèverait et son coût important, cette option impliquerait d’effectuer un geste supplémentaire (une biopsie de l’embryon) – circonstance qu’avait d’ailleurs relevée le CCNE dans son avis n°107 pour écarter cette hypothèse maximaliste.



IV. Séquençage ADN à destination privée:



Alors que le premier séquençage complet de l’ADN humain a nécessité 13 années de travail (1990‐2003), mobilisé 20 000 scientifiques et coûté 3 milliards de dollars, il est désormais possible d’étudier, rapidement et pour un coût raisonnable, l’exome et, bientôt, l’ensemble du génome humain. De tels progrès technologiques banalisent le recours aux tests génétiques, y compris hors du champ médical. Cette banalisation se retrouve en particulier sur internet, où de plus en plus de sites étrangers proposent de tels tests à des fins diverses (récréatives, généalogiques, tests de paternité, etc.). La banalisation du séquençage haut‐débit et le développement de la médecine préventive qu’il permet réinterrogent la pertinence de l’interdit posé à l’article 226‐ 28‐1 du code pénal, lequel sanctionne le fait de solliciter, en dehors d’un cadre médical, l’examen de ses caractéristiques génétiques ou de celles d’un tiers (tests génétiques).

Concernant le séquençage ADN à destination privée, l’AFT est, de toute évidence, favorable à la levée de l’interdiction française. En effet, il semble important pour les membres d’encourager une connaissance médicale large dès lors qu’il s’agit du fonctionnement de son propre corps.

Le rapport Touraine constate que de nombreux tests génétiques à fin dite récréative sont disponibles sur internet et échappent au contrôle des juridictions françaises. Cela s’explique par la baisse drastique des coûts liés au séquençage ADN (seulement une centaine de dollars). Ainsi, le rapporteur est convaincu que maintenir leur interdiction n’aura aucun effet et propose ainsi un encadrement via la création de la profession de conseiller en génétique. Le but est d’éviter que les patients se passent d’avis médical et se fondent sur des informations peut-être mal comprises.

Le second enjeu éthique lié à cette thématique est celle de la transmission de l’information: en effet ces tests génétiques permettent de connaître des prédispositions pour des maladies pour lesquelles il existe un traitement (gènes actionnables) mais également des données incidentes et secondaires. Ces informations ne sont pas aussi certaines et dépendent notamment de l’épigénétique (environnement). Ainsi, le rapporteur recommande la mise en place d’un éclairage objectif du patient au moyen d’une consultation assortie d’un délai de réflexion. Ainsi, l’extension d’un test à des données secondaires devrait, dans un premier temps, ne pas être systématisée mais simplement proposée en recueillant l’accord explicite du patient. Par ailleurs, la FFGH appuie l’idée selon laquelle « l’absence de transmission d’information ne saurait être reprochée ni au laboratoire ni au médecin ». Cette position de la FFGH, partagée par le rapporteur, nécessitera une écriture assez fine des dispositions législatives et réglementaires.

Sur cette question, le Conseil d’État relève deux éléments. D’une part, compte tenu de l’offre croissante sur Internet et de la difficulté à caractériser cette infraction lorsqu’elle est dématérialisée, l’interdit français de recourir à des tests génétiques en dehors du champs médical est contourné et ne permet pas, en lui‐même, d’endiguer l’essor des tests vendus directement au consommateur. D’autre part, l’interdiction de solliciter l’examen des caractéristiques génétiques d’un tiers n’est absolument pas remise en cause.

Ainsi, selon l’étude du Conseil d’État deux approches sont possibles : maintenir ou lever l’interdit. Si l’on lève l’interdit, cette perspective serait justifiée non seulement par la relative ineffectivité de ce dernier mais aussi par l’idée que rien ne s’oppose à ce qu’un individu, au nom de l’autonomie de la personne, puisse avoir accès à ses caractéristiques génétiques si tel est son souhait, sans qu’il ait à le justifier auprès d’un médecin. En raison des motifs qui la fondent, une telle levée de l’interdit serait, d’après le Conseil d’État nécessairement transversale et ne saurait être bornée uniquement en fonction des finalités affichées par les sociétés commercialisant ces tests.

Par ailleurs, le Conseil d’État estime que l’interdit visant les assurances doit être maintenu mais constate qu’il serait plus difficile à préserver dès lors que l’accès à l’information serait libéralisé et le séquençage banalisé.

Comme le rapport Touraine, le Conseil d’État se positionne également favorablement à l’élargissement du nombre de conseillers en génétique.

Pour conclure, il semble que les évolutions législatives à venir prennent un tournant plutôt progressif en matière de bioéthique dans les domaines traités ici. Néanmoins, celui-ci est principalement justifié par des motifs d’ordre économique ou de renommée scientifique plus qu’une véritable position éthique. 

Chloé Rousset. Août 2019.



Note



(1) L’embryon transgénique se caractérise par un génome partiellement modifié au sein duquel ont été intégrées une ou plusieurs séquences d’ADN exogène, c’est-à-dire n’appartenant pas à l’embryon lui-même. Ces séquences d’ADN peuvent être d’origine animale ou humaine.

L’embryon chimérique comporte des cellules d’origine différente mais sans qu’il y ait mélange des matériels génétiques.