Technoprogressisme : À propos de prétendues contradictions internes et de l’idéologie capitaliste
Marc Roux
2020-06-01 00:00:00
URL

Initialement publie sur le site de l'Association Francaise Transhumaniste - Technoprog




« À l’époque où vécut Djerzinski, on considérait le plus souvent la philosophie comme dénuée de toute importance pratique, voire d’objet.

En réalité, la vision du monde la plus couramment adoptée, à un moment donné, par les membres d’une société détermine son économie, sa politique et ses mœurs. Les mutations métaphysiques – c’est à-dire les transformations radicales et globales de la vision du monde adoptée par le plus grand nombre – sont rares dans l’histoire de l’humanité. Par exemple, on peut citer l’apparition du christianisme.

Dès lors qu’une mutation métaphysique s’est produite, elle se développe sans rencontrer de résistance jusqu’à ses conséquences ultimes. Elle balaie sans même y prêter attention les systèmes économiques et politiques, les jugements esthétiques, les hiérarchies sociales. Aucune force humaine ne peut interrompre son cours – aucune autre force que l’apparition d’une nouvelle mutation métaphysique.« 




Houellebecq, Les particules élémentaires, prologue.



L’AFT face à ses critiques :



Régulièrement l’AFT se retrouve sous le feu de critiques. Tant mieux. C‘est sain, intéressant, parfois pertinent. Mais régulièrement les arguments sont un peu courts, voire malhonnêtes. Ce fut le cas avec un article[1] du site maisouvaleweb[2], inabouti car dispersé et insuffisamment radical, bien qu’assez représentatif de la rhétorique de nos contradicteurs.

Saisissons cette occasion pour proposer quelques réflexions sur l’idéologie technoprogressiste et la pensée transhumaniste ; pour assumer sans hypocrisie ou dissimulation l’histoire de notre mouvement et de nos idées.



Résumé de l’affaire :



L’article de maisouvaleweb, partant tous azimuts, égrène quelques thèses attribuées à l’Association Française Transhumaniste : son eugénisme ; sa volonté d’allonger la vie par la technologie plutôt que, par exemple, via la lutte contre le tabagisme ; son climatoscepticisme ; son solutionnisme technologique.

De prime abord, on décèle facilement des approximations, des erreurs d’interprétation et même des affirmations factuellement fausses[3].  Dans un second temps, on saisit la visée du texte : il est censée être tout autre qu’une « simple » dispute sur telle orientation politique supposée, un débat sur telle étude scientifique, une problématisation particulière d’éthique ou d’épistémologie. Tous ces points ne sont que des illustrations plus ou moins hasardeuses.

Non, ce texte prétend « déconstruire »[4] le discours technoprogressiste, et lutter contre le développement de ses effets concrets.



Une critique simple, incontournable, indéfiniment ravivée :



La structure du texte n’apparaît en réalité que dans son introduction et ses intertitres. Sa thèse, très récurrente chez nos adversaires, est la suivante :





Cette formulation est une déclinaison  de l’idée que le transhumanisme est fondamentalement inégalitaire au service des puissants, et que le technoprogressisme en est l’idiot utile.



Déconstruire une idéologie ou contrer un mouvement ?



Nos adversaires ne savent plus très bien si le transhumanisme est une idéologie, un mouvement, un courant littéraire, un style, etc. Il n’empêche que les passions qu’il déchaine et les attaques qu’il suscite montrent que  les critiques savent que le transhumanisme produit et produira de plus en plus d’effets concrets dans les sociétés. Ils voient qu’il manifeste quelque chose de profond[5].



Au nom d’un assemblage d’écologie, d’anticapitalisme, de défense des libertés fondamentales :



Les anticapitalistes parmi les transhumanistes le savent bien : le capitalisme est perclus de contradictions internes, contradictions évidentes, maintes fois démontrées, destructrices et autodestructrices. Pour autant, ils sont encore et toujours à la tâche, au combat. De revers en échecs, ils cherchent sans se décourager la formule d’émancipation sociale, de changement de modèle.

Une chose est sûre, déconstruire ne suffit pas. Montrer des contradictions non plus.

En outre, les bioconservateurs et plus généralement les anti-transhumanistes, craignent, et c’est justifié,  que le transhumanisme soit plus qu’une idéologie ; ils craignent en fait qu’il soit une mutation métaphysique à la source de mouvements, voire peut-être d’une civilisation. En effet, le transhumanisme n’a sans doute même pas besoin d’être à proprement parler un « mouvement » pour pénétrer tous les pans de la société et transformer notre civilisation.

En conséquence, étouffer cette « idéologie » nécessiterait de proposer une critique, mais plus encore de produire des pratiques, une vision du monde susceptible de fédérer, un imaginaire solide et attractif. En somme, une alternative profonde.

Malheureusement pour eux, nos adversaires présentent le plus souvent leur alternative comme un bioconservatisme. Il peut prendre des formes variées et s’inspirer de modèles de société très différents, proches de ceux que proposent les altermondialistes, les écologistes, les autogestionnaires, les réactionnaires, les identitaires, etc. qui, s’ils séduisent, peinent depuis longtemps à rivaliser avec l’ordre dominant.

Il y a fort à parier que plus ils tenteront de la déconstruire, plus ils mettront au jour la puissance des ressorts et la profonde vérité poétique, créatrice, de cette idéologie.



Contradictions idéologiques ?



Brandissant le concept d’idéologie (comme si cela était infâmant en soi), nos adversaires oublient parfois d’en donner une définition. A nous donc de nous y risquer :



–          Idéologie comme ensemble structuré d’idées.



Pour analyser la ou les idéologies transhumanistes, il faut donc s’appuyer sur les discours, les propositions de formulation explicite d’une idéologie. En général il s’agira de productions individuelles. Les mieux formulées ou les plus profondes seront discutées et recevront la plus grande publicité.

Le problème sera évidemment la diversité, la sélection, l’écrémage. Pourtant, l’ensemble des propositions pourra aussi donner lieu à des études puis catégorisations, plus ou moins pertinentes, de grands courants de l’idéologie. L’idéologie, ce sera alors les traits saillants, communs, nécessaires et suffisants pour recevoir le qualificatif de “transhumaniste”.

A l’AFT le technoprogressisme est à la fois une idéologie en construction, avec quelques manifestes généraux déjà fortement cohérents, mais aussi un agrégat autour de ces grandes lignes. Il y a un projet et des valeurs qui rassemblent des diversités.

Mieux même, dans son projet, le technoprogressisme est une pensée critique, une pensée ouverte et non figée, comportant un aspect de plasticité et d’élaboration collective et démocratique indéniable. Dans ce sens-là, il est vain de rechercher l’absence de contradictions, ou une idéologie définitive.

L’honnêteté obligerait à faire émerger et à construire des contradictions internes plus profondes et sophistiquées, par la mise au jour de ce qui serait l’essence du transhumanisme technoprogressiste.

Les analyses de nos critiques sont souvent trop circonstancielles et rapides pour répondre à cette ambition.

Si, mieux encore, elles voulaient faire du Michel Foucault, il leur faudrait bien des heures supplémentaires de travail. Ceci nous réjouirait cependant : toute pensée, toute pratique est inscrite dans un contexte socio-historique, dans des configurations stratégiques, des jeux de pouvoir, des formations discursives, etc. Il est toujours à la fois passionnant et utile de le comprendre et de voir comment tout cela s’articule.



–          Idéologie comme reflet/recouvrement et justification des rapports de production.



Inspirée du marxisme, cette définition est en fait celle qui est la plus implicite lorsqu’il est affirmé que le transhumanisme est une idée de riches américains à la recherche de l’immortalité dans des îles privées.

Le transhumanisme serait le suppôt du capitalisme et des rapports de domination qu’il sécrète en propre.

Or, pour nous il est clair que le transhumanisme n’est pas l’idéologie du capitalisme technocratique. D’ailleurs, nos opposants devraient argumenter et prouver en quoi le transhumanisme ne pourrait pas prendre place, par exemple, dans une société communiste, sachant qu’il existe pourtant des courants transhumanistes communistes ou communistes transhumanistes, au choix [6].

En réalité, bien qu’apparu dans le contexte d’un système capitaliste, à l’heure des NBIC, il manifeste une aspiration bien plus profonde. 



–          Idéologie comme proposition métaphysique.



On peut même aller plus loin et intégrer à la notion d’idéologie des dimensions métaphysiques, poétiques, imaginaires, L’idéologie comporterait alors des éléments de logique, de cohérence, d’esthétique, de métaphysique, etc.

Par conséquent, elle contiendrait alors  aussi un au-delà de la stricte logique. Elle créerait du sens, de nouvelles manières de voir et de ressentir, de vivre. Elle poserait des axiomes au fondement des cohérences et logiques dérivées. Ces significations imaginaires sociales chères à Castoriadis [7].

Certains vont jusqu’à penser  que le transhumanisme est une mutation métaphysique qui possède un souffle et une puissance qu’on mesure encore mal ; et qu’il va en falloir tant et plus à nos adversaires pour espérer endiguer cette lame de fond.

En guise de conclusion et pour étayer le propos, quelques extraits d’un ouvrage en libre accès sur le site AFT Technoprog, intitulé La méditation des chiens de paille.



Sur les contradictions internes du capitalisme :



·         Un monde qui génère de la souffrance tout en la rendant intolérable

Ça n’est pas nouveau : vivre est chose malaisée. Quelle époque ne connaît son lot de guerres, d’épidémies, de famines, ses organisations mutilantes, ses institutions au service d’une minorité dominant et asservissant la masse ? L’on se demande même comment il est possible d’avoir toléré tout cela, d’avoir évité la folie et les massacres de masse, d’avoir finalement esquivé le développement d’une intelligence qui aurait conduit à la révolution et à l’instauration d’une société égalitaire efficace et douce.

Mais c’est ainsi, force est de constater qu’aujourd’hui encore il y a de bonnes raisons de souffrir : on meurt, on tombe malade, on se fait maltraiter, humilier et prostituer. Quelle spécificité de notre époque ? Eh bien, peut-être le fait, à la différence des périodes passées ou des aires culturelles exotiques qui avaient un système idéologique de justification et des croyances religieuses bien acceptées, que notre civilisation ne parvient plus à justifier la souffrance avec ces habituels colifichets. Notre époque peine à croire, et ses croyances, notamment l’économisme libéral, échouent à justifier les calamités comme à faire courber l’échine sans ressentiment.

Ce que l’on appelle montée de l’individualisme, tout comme le fameux rêve américain, entraîne une valorisation extrême de la personne. L’individu est sacralisé, on lui parle de bien-être, de sa valeur intime et indiscutable, on lui chante son droit au bonheur et à ce qu’il y a de meilleur, on flatte son goût pour la vie intense et pleine. Tout cela évidemment aussi pour lui vendre, s’il est solvable, des produits de consommation.

 Mais l’effet c’est que d’un côté ce système accroît les inégalités et finit par broyer la majorité des gens (perdants de la mondialisation), tout en rendant intolérable, et perçus comme injuste, l’échec et la souffrance de l’échec. Cet état d’esprit étend son empire à tous les niveaux de l’âme. Deviennent ainsi insupportables et les souffrances sociales, et les souffrances naturelles.

·         L’absence d’alternative et le défaut de perspective

On voit que l’occident capitaliste produit des gagnants arrogants et dévoreurs qui font face à des perdants humiliés et domestiqués (exécutant les travaux domestiques des gagnants). On voit également qu’il contribue grandement à détruire les écosystèmes et à accroître encore les risques naturels. Mais il est clair que ses statistiques abstraites sur l’espérance de vie, le niveau de confort et de sécurité sont bonnes, attractives. Il semble y avoir si peu d’alternative, si peu de désir adverse, que l’on assiste à une ruée vers cet Occident. Le fanatisme religieux, assez minoritaire au fond, est-il une proposition alternative crédible ou plus simplement l’expression du désespoir de populations déçues de ne pas être intégrées plus confortablement dans la dynamique capitaliste ? De même, la prétendue sagesse indigène ne semble pas préserver des sirènes du capital, pas plus en Bolivie qu’ailleurs[8]. L’histoire le dira, mais entre les manipulations, les stratégies géopolitiques et la réalité effective des organisations sociales, il semble plutôt qu’il n’y ait pas de vraie poussée vers un autre monde. Un autre monde ne semble donc pas possible, parce que pas désiré.

Autrement dit, il y a ici un paradoxe : à la fois il n’y a pas d’alternative, et en même temps il n’y a pas de perspective. L’avenir semble bouché. Ce monde est celui que l’on désire tout en étant celui qui ne nous satisfait pas. Souvent même il nous écrase et amplifie notre douleur.

La méditation des chiens de paille, Prologue, p.22

Que le transhumanisme n’est pas réductible à l’idéologie du capitalisme :

·         Approfondir le sens : idéologie du capitalisme cognitif, esprit du temps, vérité de l’homme

Percevoir quoi ? D’abord percevoir les différents niveaux de vérité que nous révèle l’intérêt grandissant pour le transhumanisme.

Le premier niveau est certainement celui de l’appréhension du transhumanisme comme idéologie du capitalisme contemporain. Parfois appelé capitalisme cognitif, capitalisme financier post-industriel, capitalisme de l’information et de l’intelligence, toutes ces dénominations ont en commun la notion de capitalisme.

Ainsi le transhumanisme est-il conçu comme idéologie qui justifie et reflète les rapports de production du moment. Qu’importent les esbroufes technologiques et les promesses de bonheur, tout cela serait secondaire voire factice. Nous aurions d’abord un capitalisme aux abois, acculé à une crise de surproduction, avec une économie virtuelle énorme, des capacités de production de plus en plus automatisées, une destruction des emplois, l’association intenable et explosive d’une paupérisation des classes laborieuses avec un creusement des inégalités.

En outre, les masses, comme on l’a vu, seraient un peu rétives à servir d’esclaves et de prostitués aux classes dominantes pour quelques miettes (emplois du care, du médico-social, de la sécurité, de la domesticité et du bien-être) ; cet avenir qu’un Nicolas Bouzou ou un Luc Ferry nous mettent en demeure d’accepter sous peine de faire donner la troupe : l’alliance de la main et du cœur, autrement dit et pour le dire crûment, torcher les anciens, récurer les latrines, matraquer les manifestants et masturber les hommes.

Ce modèle est difficile à avaler, il dégrade les compétences techniques anciennes, les collectifs de travail. L’ubérisation se développe. Alors, il serait évidemment bon de promettre l’aide technologique, l’assistance robotique, l’abondance nanotechnologique et la guérison des cancers. En outre, le transhumanisme, notamment dans sa version technoprogressiste, pourrait être l’idéologie qui sauverait le capitalisme par la promotion de mesures comme le revenu universel, l’accès élargi aux technologies biomédicales, la redistribution des fruits de la révolution technologique.

Autrement dit, du bon pain OGM et des bons jeux virtuels pour satisfaire le peuple, des formes de gratuité, l’assistance des robots en échange de l’accès à toutes les données personnelles de chacun. La surveillance et la sécurisation des constantes biologiques, la valorisation des comportements civiques et écologique : une nouvelle manière de mettre les gens au travail, de zoner le territoire, de maîtriser les flux de personnes et d’information, de dévorer les données pour alimenter la machine d’intelligence artificielle, de gérer le système-monde. En somme, gouverner à l’incitation et au ludique.

Alors oui, le transhumanisme peut être l’idéologie nouvelle du capitalisme, et une manière de réduire la contradiction entre l’état des forces productives et des rapports de production ; mais indéniablement il est autre chose, il est l’esprit du temps. L’esprit de l’homme contemporain fatigué de lui-même et revenu de toute croyance authentique, perdu dans le chaos de la postmodernité mais ne pouvant plus revenir aux vieilles lunes. D’ailleurs le transhumanisme séduit aussi bien les riches que les pauvres, les Occidentaux que les Africains, les Chinois que les Russes. L’attraction de la technoscience touche aussi bien les athées que les religieux, les alternatifs que les bourgeois urbains. Il plonge ses racines profondément dans l’époque. Il est plus qu’une idéologie congruente avec le capitalisme.

En allant encore plus loin, en se laissant pénétrer par l’idée essentielle du transhumanisme, on se rend compte qu’il manifeste la vérité de l’homme. L’humanité a toujours été transhumaniste, elle s’est toujours rêvée autre qu’humaine, elle a toujours voulu atteindre à une transformation en une espèce supérieure. Les autres niveaux de vérité sont valides, évidemment, mais au plus profond réside la grande révélation du transhumanisme : purgée de toutes les scories mythiques et religieuses, l’essence de l’homme devient maintenant évidente.

La méditation des chiens de paille, Prologue, p.24

Un exemple de proposition métaphysique assumée :

·         La contradiction fondamentale entre la conscience et la vie 

L’homme a toujours détesté sa condition. Sa nature est une contradiction. Elle lui donne sa capacité de création autant que la fatalité indépassable de sa souffrance. L’homme est un être tendu entre une vie biologique qui porte la mort et une conscience individuelle qui contemple la brutalité de cette finitude. Comme être vivant, il doit se reproduire et donc mourir, tout en étant programmé biologiquement pour détester et fuir la mort, ainsi que tout ce qui a trait à la maladie et à la douleur ; comme être conscient il mesure l’horreur de cette position et souffre d’être mortel. C’est donc une sorte de double contradiction : la contradiction interne à la vie biologique, à quoi s’ajoute la contradiction entre la vie biologique et la conscience individuelle. Unique dans l’Univers, cette contradiction est pathogène mais créative ; elle écrase mais donne la force de dire non. Elle est une charnière, un point d’inflexion dans l’histoire naturelle.

Prologue p.25

·         Reconnaissance et recouvrement de la contradiction fondamentale

Toutes les religions connues, qu’elles soient animistes, polythéistes, bouddhistes ou abrahamiques nous parlent de la contradiction fondamentale. Toutes contiennent, explicitement ou implicitement (animisme), mais massivement, la reconnaissance du caractère pathogène de la vie consciente. Les récits contiennent presque toujours une chute, ou une justification de la souffrance, essence de l’expérience humaine. Il n’y a jamais d’acceptation béate de la contradiction fondamentale, ni d’harmonie sans reste et immédiate avec la nature : il faut de la magie et de la divinité, la promesse d’une forme d’éternité pour rendre supportable l’existence.

Seuls de rares systèmes philosophiques ont essayé de produire une dénégation de la contradiction fondamentale, sans réel succès. Les histoires religieuses se contentent de la recouvrir par l’affirmation qu’à côté de nous existent un autre monde qui est meilleur, une autre vie qui est éternelle, un autre corps qui ne se corrompt pas. Mais ce recouvrement est moins grave que la dénégation de certains philosophes. Et si les hommes cherchent le réconfort dans les récits religieux, les mensonges philosophiques qui ne puisent pas dans la vérité de la contradiction fondamentale sont rejetés d’instinct. Ceci explique le succès des religions, comportant toujours un versant terrible, face aux philosophies optimistes mais dénégatoires.

·         Nier la mort ou nier la conscience

C’est ainsi que les religions recouvrent la contradiction fondamentale : elles vont soit nier la mort, soit nier la conscience individuelle.

Les récits qui nient la mort vont pouvoir exalter la conscience. Ils vont aussi reconnaître la souffrance et la misère de ce monde : un autre monde nous attend, la contradiction fondamentale est estompée.

Les récits qui, symétriquement, nient la conscience individuelle, vont célébrer la vie, mais en la rendant inoffensive par la dilution de la contradiction fondamentale dans l’ensemble trans-individuel d’un monde animiste fondamentalement unitaire. Les traditions bouddhistes posent la souffrance comme inaugurale (la première des quatre nobles vérités) mais promettent qu’un nirvana est possible purgée de la conscience individuelle nommée égo.

Le phénomène religieux prouve aussi que l’homme déteste être un homme, et c’est pourquoi il choisit de se rêver soit comme une âme, soit comme un égo illusoire.

Prologue, p.29

·         Le transhumanisme va réunir les hommes et fédérer les sociétés

Les oppositions bio-conservatrices et humanistes, voire les atermoiements et condamnations religieuses ne pourront rien à terme. Le transhumanisme est un projet désirable. Il est ce genre de projet commun enthousiasmant qui fédère les hommes. Le nouveau souffle idéologique et spirituel, la passion qui va porter l’humanité est sous nos yeux. Notre salut est dans notre fin, notre fin dans le don de soi à la nouvelle espèce. Que la rupture soit une mutation rapide ou une hybridation plus douce, le plaisir, la joie et la liberté briseront toutes les digues. La destinée ne peut être arrêtée.

·         La dernière religion de l’humanité

Le transhumanisme a indéniablement un aspect religieux. Il raconte l’histoire de l’esprit, expose sans aucun filtre la contradiction fondamentale. Il comprend, accompagne et réalise son désir le plus profond, son désir premier, son désir de toujours : passer. Il est ainsi la dernière religion de l’humanité.

Prologue, p.34

Notes :

[1] http://maisouvaleweb.fr/technoprog-dans-les-contradictions-internes-du-transhumanisme/  

[2] L’auteur a même concédé la chose en ces termes : « […] ce texte est vieux, écrit trop vite, imprécis. Très bien s’il est critiqué. »

[3] Sur chacun des points, il suffit de se reporter aux articles publiés sur le site AFT ou, pour un démenti définitivement plus cinglant, aux ouvrages d’Alexandre Technoprog https://transhumanistes.com/livre-pourquoi-transhumanisme/, et celui de Marc Roux et Didier Coeurnelle https://transhumanistes.com/nouveau-livre-technoprog/

[4] Le terme n’est pas défini mais il s’agit sans doute de montrer qu’il repose sur une histoire voire des fondements anti progressistes, et qu’il ne veut pas dire ce qu’il dit. Pour ce faire il serait tout de même préférable que l’auteur rapporte sans erreur ce que dit le technoprogressisme, sans quoi on dérive vers le fameux sophisme de l’homme de paille.

[5] Ou bien que les critiques sont des opportunistes qui, très indignement, font leur business sur un objet qu’ils prétendent inconsistant : du vent critiquant du vent.

[6] https://www.versobooks.com/books/2757-fully-automated-luxury-communism ; https://genrehumain.wordpress.com/2015/09/17/pour-un-transhumanisme-marxiste/

[7] “L’imaginaire social est une puissance de création – non pas, certes, création de matière, ou de quelconque éléments physiques, mais d’eidos, de sens. Elle est puissance de formation et d’organisation du monde et des individus la composant, non réductible aux psychés car émanant nécessairement d’un collectif (par exemple, un mot ne peut exister en tant que tel qu’à la condition d’être partagé par un collectif…). Et Castoriadis va jusqu’à affirmer que c’est à la condition de cette création, donc de l’existence de la société, qu’il y a pour l’humain « de la pensée et de la réflexion »” Pour une introduction : https://labyrinthes.wordpress.com/2013/02/14/25-castoriadis-limaginaire-social-ou-la-creation-dun-monde-commun-de-significations/

[8] Maëlle Mariette, La gauche bolivienne a-t-elle enfanté ses fossoyeurs ? Le monde diplomatique, septembre 2019

Auteur : Fred